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Bienvenue à Delhi
Le 17/11/06

Bienvenue à Delhi

C’est sur les rotules que nous arrivons à l’aéroport de Delhi... C’est en effet après une courte nuit passée à la fois dans l’avion et dans l’aéroport de Dubaï en transit que nous atteignons enfin notre destination indienne ! Mais bien au fait des pratiques indiennes vis-à-vis des touristes, notre précieux guide de l’Inde du Nord calé sous le bras, nous sommes fin prêts à affronter le soi-disant enfer de Delhi.

Un taxi, pas d’hôtel

Première chose, ledit guide nous conseille de prendre un taxi prépayé pour éviter les arnaques... Hé hé, on ne se fera pas prendre par les méchants, on utilise donc cette méthode ! Voilà c’est parti ! On lui donne notre destination : « Ok, Ok ». Le chauffeur est super sympa, il nous parle de lui, nous fait parler de nous, nous montre les choses sur le trajet, m’offre une cigarette... En cours de route, on tente d’être un peu plus précis sur notre destination, on a remarqué dans le guide un petit hôtel sympa dans un quartier populaire près de la gare. On cherche dans le guide pour retrouver son nom. Cela se trouve normalement dans un fameux repaire de routards fauchés, dans une rue remplie d’hôtels, en plein cœur du « main Bazaar »... Mais surprise ; le chauffeur de taxi nous dit qu’il ne connaît pas ni l’hôtel, ni la rue ( ??)

-  « Mais c’est pas grave, c’est dans telle rue et tel quartier, déposez-nous simplement dans le quartier... »
-  « Non, non, ne vous inquiétez pas je vais vous y conduire, mais il faut que je me renseigne avant... »
-  « Bon, ok, trop sympa ce chauffeur ! »

Le taxi s’arrête devant un « Tourist Office »... On sait pas vraiment où on est, mais bon... On explique alors à un re soi-disant-agent de tourisme qui nous aborde que l’on cherche un hôtel à tel prix dans ce quartier là. Il commence alors à nous tchatcher pour nous expliquer que les prix ont augmenté, que cette partie de la ville est nulle, qu’elle n’est pas éclairée la nuit, et caetera, et caetera... Pendant ce temps, le chauffeur reste bizarrement en retrait, alors qu’il était venu se renseigner sur la route à suivre. En même temps, impossible d’en placer une et de savoir où on est réellement sur la carte. Après quelques minutes d’incompréhension, nous voilà repartis avec cette personne en plus à bord, avec la promesse de nous trouver ce que l’on cherche. 5 minutes de route, et le chauffeur nous dépose devant un hôtel que l’on ne trouve pas dans le guide. Et pour cause : il n’est pas du tout dans les prix que l’on avait demandés.

Là, ça commence à bien faire. On se met un peu en colère. On veut qu’on nous dépose dans la rue que l’on a demandée, ce n’est pas si compliqué ! Allez, on remet les sacs dans la voiture... « Ah non !, si vous ne prenez pas l’hôtel où je vous ai conduit débrouillez-vous seuls, et payez-moi » le chauffeur si sympa quelques minutes plus tôt nous interdit donc de remonter dans la voiture. En insistant un peu, on arrive quand même à avoir la direction de là où on veut aller, à 2 km parait-il...

La proie qui s’échappe est rattrapée

Au bout de 10 m, un homme poli et propre sur lui, nous accoste. Il semble avoir compris notre situation devant nos mines défaites par le manque de sommeil, le poids des sacs à dos et la désorientation qui nous guette dans cette ville tentaculaire. Il nous explique alors que la rue, qu’on cherche depuis le départ, est en réalité à cinq kilomètres du quartier dans lequel nous errons. Puis, avec le plus grand sérieux, il nous montre sur la carte le « Governement Tourist Office of India » près de la place principale « Connaught Place », et nous explique que là-bas, tous les renseignements les plus fiables sur les hôtels nous seront fournis. Si nous cherchons un hôtel pas cher, il nous indique qu’il existe des chambres chez l’habitant à très bas prix, plus le petit-déjeuner inclus. Hmmm, incroyable ! Mais ce déballage de détails ne nous emballe pas : nous, nous ne souhaitons qu’une chose, poser notre sac dans un hôtel pas cher et bien situé... et enfin nous reposer !! Il a compris et d’un geste, il appelle un rickshaw pour nous y conduire sans soucis (rickshaw= mobylette - ou bicyclette - semi-couverte avec deux-trois places à l’arrière, qu’on trouve partout dans les rues de Delhi). Celui-ci attendait derrière à un mètre. Trois secondes plus tard, nous voilà partis pour notre première virée en rickshaw, pour de surcroît un prix « local » défiant toute concurrence !

Nous arrivons devant le (soi-disant) office du tourisme. Nous faisons connaissance avec Feroz. Nous lui faisons part de nos mauvaises aventures, pas mécontents de les laisser derrière nous, et nous le questionnons sur ces fameuses chambres chez l’habitant si bon marché.

Le piège se referme

« Ok, pas de problème, j’en ai une en stock. Vérifions s’il reste de la place » et tout de suite, il demande à une jeune femme d’aller voir si des chambres sont libres dans cette « family guest house » que nous traquons depuis près de 4 heures (sortie de l’aéroport). Elle se lève et sort... Bon... En attendant, il nous propose de nous donner des informations et des conseils sur l’Inde et nous aider à organiser ce grand tour de l’Inde du Nord qui s’annonce. « Allez, deux jours à Delhi cela suffit largement ! » Puis deux jours là, puis là, puis ici... Il nous fait une liste de noms de villes : 20 jours de voyage.
Euh, oui, mais nous on est là 45 jours et... « Si vous voulez je peux vous donner une estimation du prix ? » - « oui, pourquoi pas » : 390 euros par personne, pour juste le transport (train et taxi) et les hôtels. Mmmh, pas si cher que cela, m’enfin ça dépasse notre budget prévu... « 290 euros avec des hôtels premier prix... » C’est encore cher, 250 euros ça irait ? Il nous rit au nez. Je crois qu’il a plus l’habitude des Australiens aux milliers de dollars que des Français « fauchés » (qui réservent les dépenses pour le Japon).

« Euh, on va réfléchir... enfin nous on est là juste pour une chambre d’hôtel ! Qu’on puisse se reposer. Donc, on repassera et on vous dira ça demain »
-  « Non, ne vous inquiétez pas ! La chambre chez l’habitant, c’est bon, elle est réservée... »

On discute donc encore un peu de ces « conseils et informations » très concrètes qu’il veut nous vendre. Mais la fatigue prend le dessus et ça se voit sur nos traits tirés. Ça suffit, il nous propose de nous conduire « chez l’habitant », « c’est sur son chemin ». Mais à peine, commençons-nous à nous détendre dans cette voiture climatisée que le doute s’installe. Le trajet s’éternise. Nous étions déjà en plein centre. Delhi est vaste, c’est sûr, mais à ce point ??

Il nous apprend finalement que la chambre se trouve dans les quartiers sud (c’est presque la banlieue !). Décidément...

Mais nous n’étions pas encore au bout de nos surprises. Peut-être tout simplement qu’on aurait du se méfier aussi : une chambre à moitié prix, tous les repas inclus, ET un conseiller d’office de tourisme qui nous y conduit him-self... C’était sans doute notre fatigue qui a endormi nos réflexes ; également l’habileté bien rodée du vendeur Feroz, qui nous a un peu rappelé Ali, rencontré à Sanaa.

Ce n’est en effet que lorsqu’on s’est aperçu qu’on allait dormir dans la propre maison de Feroz, notre tchatcheur-vendeur, qu’on a compris qu’il y avait une embrouille. Il nous a caché la vérité sur la nature de cette chambre chez l’habitant. Son but est simplement de rendre captifs de potentiels clients chez lui, de les choyer, les dorloter, pour mieux les amadouer... Ainsi, le prix de la chambre est assez bas pour attirer, mais pas gratuit pour ne pas que le client se sente piégé... Par contre, avec nous, ça n’a pas fonctionné. Feroz était un peu éteint par un gros rhume, sa famille m’a paru étrangement peu accueillante, et de toute façon le mensonge initial était trop gros. Cela ne laisse pas présager une bonne suite aux évènements...

Sortir du piège

À peine arrivés dans la maison et afin d’éviter toute confusion ultérieure, on décide de lui expliquer que finalement le tour qu’il nous propose ne nous intéresse pas... La vraie raison de ce refus est en vérité qu’après cette première série de mensonges et de saynètes destinées à nous tromper, nous ne pouvons plus avoir confiance en cet homme. Le Yémen nous a vraiment décidément très très mal habitués : il était si facile de faire confiance là-bas. Une confiance presque aveugle en n’importe quel inconnu qui ne nous a jamais trahi d’ailleurs. Mais ici, c’est compliqué... et ce qui aurait été possible au Yémen sans embrouille - ce que Magali aurait consigné sous le chapitre « rencontre » - devient irréalisable à Delhi (c.-à-d. dormir chez une personne, alors qu’on ne le connaît pas, dans une ville et un pays qui nous sont complètement étrangers). M’enfin, nous apprenons petit à petit et puisque le mensonge est de mise, nous enrobons notre réponse et la laissons traîner jusqu’à ce que nous soyons sûrs de pouvoir retourner au centre sans encombre. Finalement, les réflexes reviennent vites et au lieu de parler de confiance nous, parlons de « liberté », « d’envie de prendre son temps », de notre « indécision maladive », etc. Mais face à lui ces arguments ne font pas le poids, et nous n’arrivons à obtenir qu’une réponse vague « vous êtes très fatigués, reposez-vous, on en reparlera demain ».

Bon, il dit qu’on en reparlera demain dans son bureau.

Notre chambre qui devait soi-disant être à part du reste de la maison est tout le contraire ! Sans fenêtre, elle donne directement sur le bureau de sa propre agence de tourisme (au 3ème étage) de sa maison personnelle, avec une porte qui reste éternellement entrouverte, car elle ne peut pas se fermer. En face, une deuxième porte donne sur la chambre et la salle de bain familiale. Notre chambre est donc littéralement un couloir servant à relier l’agence, le reste de la maison et les appartements domestiques de monsieur... Un peu frustrés, et alors que la nuit était déjà tombée (ahhh qu’avons-nous fait de cette première journée ??) nous tentons de sortir afin nous détendre un peu dans ces rues de cette banlieue calme de Delhi.

C’est alors qu’il nous dit sur un ton docte : « Ne sortez pas longtemps. Une heure maximum et rentrez absolument avant 19 h !... ». Ahh ! on est où et chez qui ? C’est quoi ce kidnapping ??

Mais une fois sortis, nous n’en faisons heureusement qu’à notre tête : le marché de nuit ultra coloré et animé nous rappelle celui de Sanaa durant le ramadan. Nous sommes enfin en Inde, dans la continuité du tour du monde... Ouf... Magali fera alors l’achat d’un habit indien pour tous les jours et d’une nouvelle paire de lunettes de vue (les autres sont déjà toutes rayées). 50 euros la paire neuve de lunettes Essilor avec correction identique, et cette fois antirayure inclus. Le tout pour le lendemain. Vive l’Inde !! Un peu calmés nous rentrons dîner vers 21 h et sourions du regard sombre de Feroz.

Le lendemain matin, l’idée nous vient de déguiser une fuite en escapade touristique au « Temple Lotus » qui ne se trouve pas très loin (à l’échelle de Delhi bien sûr...). Ça nous semble facile parce que Feroz est déjà parti à son boulot... Mais la famille est là, et plus souriante qu’hier soir.

Nous nous entretenons donc poliment avec sa sœur autour du thé ; il semble que beaucoup de gens viennent ici dans le même contexte que nous. Au cours du petit déjeuner, on lui fait alors imprudemment part de notre projet d’aller au Temple Lotus. Erreuur fatale. Elle appelle Feroz dans l’instant, qui nous dit d’attendre : il va nous envoyer une voiture pour nous y conduire... oups... On n’a pas le temps de refuser. Une heure d’attente s’ensuit. Magali est au bord de la crise de nerfs. Le fait d’avoir notre liberté de mouvement entravée, par des choses comme ça, est insupportable ! Enfin, la voiture arrive avec un jeune de l’agence. Euh, « la voiture »... le rickshaw plutôt... Désespérés de ne pas pouvoir semer le jeune avec nos gros sacs, nous nous résignons à visiter le temple en sa compagnie avant de nous faire reconduire au bureau de Feroz. Mais le comble, c’est qu’on se rend compte que le rickshaw ne va pas du tout au Lotus Temple, mais à un autre temple dans une direction opposée... et juste à côté du bureau de Feroz. Aaaargh ! Ça suffit, coupons court à ses simagrées et allons directement au bureau de Feroz.

En entrant dans le bureau, on croise un couple de Néo-Zélandais. Magali les questionne sur leur voyage... Dans l’ensemble, ils ont été contents, même s’ils n’ont pas voulu nous donner le prix qu’ils ont payé (on apprendra plus tard qu’ils ont déboursé plusieurs milliers d’euros pour une vingtaine de jours...) Pourtant au fur et à mesure que « l’interrogatoire » se prolonge, ils finissent par avouer avoir partagé le même sentiment de séquestration que nous, quand le guide les a emmenés chez lui. Le doute s’installe... et si c’était bien peut-être. Mais non la colère l’emporte au souvenir de ces dernières 24 h perdues, et devant Feroz, Magali se lance alors dans une explication un peu directe, en gros : « on n’aime pas la manière avec laquelle vous nous avez menti ! ».

Feroz, pris à froid, ne répond pas vraiment, et nous demande alors ce que l’on veut faire. Bizarrement, on s’en veut presque de ne pas répondre à ses avances commerciales, peut-être à cause du sentiment de nous être trop engagés avec lui... Ah, c’est tout un art de savoir jouer avec le sentiment de culpabilité des gens...

Mais bon, ça suffit : « On veut simplement payer la chambre et partir ! » Je lui donne 200 roupies (4 euros) au lieu des 150 (3 euros) prévus pour la chambre et les trois repas. Il reste con, il sait plus quoi dire... Son collègue commence à nous parler avec mépris et à nous engueuler. On répond deux minutes, puis fatigués nous partons enfin pour de bon.

Une bonne leçon

Juste à l’extérieur de cet office-enfer, on croise une Française qui nous fait part aussi de sa suspicion à propos de cet endroit. Le prix de train qu’elle avait demandé était juste 10 fois plus cher que celui consulté sur internet depuis la France...

Et petit à petit, au fil des conversations avec cette Française et d’autres, nous nous rendons compte qu’en vérité, l’office du tourisme où travaille Feroz est simplement une agence de voyages. (Le « vrai » office du tourisme se trouve dans le même quartier, mais sur l’avenue principale cette fois).

Pourtant, Feroz semble bien réussir son arnaque et aspire une bonne partie des touristes qui arrivent à Delhi, qui n’y voit que du feu : il n’y reste qu’un jour et demi en moyenne alors... C’est en riant qu’on a ensuite observé le flux continu de rickshaws qui déposent à cet endroit de nombreux touristes perdus.

Bon, nous avons peut-être exagéré, et peut-être que le service offert était ensuite de bonne qualité, mais peu de choses nous le faisaient sentir.

Pour conclure, je ne voudrais pas que cet article fasse peur aux gens qui voudraient partir en Inde. C’est finalement juste une question de réflexe. En venant de France, l’attitude défensive est d’ailleurs sûrement plus facile à adopter qu’en venant du Yémen. Il faut se souvenir de ce que disait sa maman et prendre le réflexe de ne pas suivre n’importe quel mec « super sympa ». Contrairement à ce qu’on pouvait faire sans problème au Yémen où le tourisme n’y est pas développé de la même manière, et où les stratégies pour attraper un touriste sont moins raffinées.

Ici, en Inde, au contraire, un chauffeur de taxi qui a l’air super sympa va désormais me paraître suspect, alors qu’un autre qui fait plutôt la gueule, me semblera rassurant, car c’est normal de faire la gueule... ;o)



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