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Un « week-end » dans le « désert » - 05-07/12/ 2006
Le 07/12/06

Assaillis par la foule au point du jour

L’arrivée en pleine nuit à Jaisalmer est hallucinante. Il est 6 h, nous nous réveillons entourés des sympathiques militaires sikhs qui se sont endormis dans notre wagon la veille... Malheureusement, et très rapidement, ils sont obligés de laisser la place à des agents touristiques qui grimpent dans le train pour nous entraîner dans leurs hôtels. Ils nous assaillent d’arguments et de contre arguments se disputant presque entre eux, tandis que nous tentons de ranger nos affaires...

Une fois descendus du train, sans encore avoir décidé où nous installer, nous traversons le hall de la petite gare encore endormie, presque contents d’avoir réussi à leur échapper...

... juste avant de nous trouver nez à nez avec une foule d’autres propriétaires hôteliers agitant de grandes pancartes et criant le nom de leur hôtel dans la nuit noire. Deux militaires en arme les contiennent...

Nous nous dirigeons vers un homme au milieu de la foule dont le nom sur la pancarte nous rappelle un commentaire flatteur lu dans le Lonely Planet. Embarqués en quelques secondes dans un rickshaw en attente nous suivons un 4x4 qui emmène d’autres touristes au même endroit. C’est glauque...

Le mur de verre se refroidit

Le petit déjeuner sur le toit de l’hôtel est dur à avaler. L’impression que le mur de verre se renforce au fur et à mesure que nous nous enfonçons au coeur du Rajasthan est vive. En outre, l’humidité ambiante et le froid de ce matin de décembre que le soleil levant ne parvient pas à dissiper nous inquiètent.

Nous sommes en effet venus ici avec l’intention de faire un tour de quelques jours dans le désert... à dos de dromadaire ! Nuit à la belle étoile et dunes de sable... un programme de rêve pour fêter nos deux ans d’histoire d’amour :)

Deux routards français, la quarantaine, la barbe piquante et les cernes sous les yeux, avalent leur chai en attendant avec appréhension le départ. Dans quelques minutes, ils partiront tenter cette petite aventure chamélique... Mais les nuages et la pluie fine qui tombe encore ne sont pas pour les rassurer. Ils nous apprennent que cela fait deux jours qu’elle ne tarit pas...

Nous posons nos affaires dans la chambre vaste, mais froide. Quelques livres sont disponibles sur une étagère dans le hall d’entrée et j’ai jeté mon dévolu sur l’un d’entre eux : « Indian Summer » de Will Randall. C’est l’histoire contemporaine -et vraie ?- d’un British perdu à Bombai et qui va enseigner dans bidonville de Poona. C’est facile à lire et je me lance avec délectation dans le roman. Plus tard, lorsque le soleil aura enfin réussi à percer les nuages, nous partirons...

Jaisalmer, Disneyland du désert

La montée au fort - une ville fortifiée en gros - est touristique, mais sympathique. Les pierres en calcaire sèchent au soleil et l’ambiance se réchauffe. Le travail de la pierre, plus qu’ailleurs, retient mon attention. Je me rappelle les stages de sculpture, il y a quelques années de cela, et l’envie de m’y remettre me taraude soudain. Nous errons dans les ruelles étroites, nous perdons sur les murailles-dépotoir avec la peur de nous prendre un saut de déchets jetés par la fenêtre, nous marchandons un pantalon (le mien vient de se déchirer d’usures ce matin), nous remarchons... Sur un des remparts, une petite terrasse cachée ensoleillée nous tend les bras : nourritures tibétaines et indiennes nous calent enfin... Nous y rencontrons un British qui passe tous ses hivers en Inde. Il est guide de montagne dans son Écosse natale et ne travaille que 6 mois par an. La conversation est sympathique. Il nous enjoint d’aller dans le sud où les paysages sont plus « mellow ». Nous n’aurons pas le temps, mais il nous fait rêver. Nous gardons son adresse au cas où les montagnes écossaises nous tendraient un jour les bras...

L’après-midi se passe tout aussi nonchalamment. De temple en temple, de ruelles en maisons, nous fouillons cette ville figée dans le temps et bourdonnante de commerces. Dans un palace, un peu à l’extérieur du fort, dont la finesse des ornements nous a charmés, nous visitons une chambre luxueuse que nous prétendons vouloir occuper à notre retour du désert... C’est étrange de flirter avec le tourisme de luxe... Le manager nous regarde d’un air dubitatif, mais nous repartons d’un pas sur en souriant.

La soirée est calme : la folie de la lecture me reprend comme lorsque j’étais toute petite et ne peux plus lâcher mon livre.

En route pour le désert, enfin

Demain lever à 5 h, départ à 7... Nous prions pour que le temps reste découvert.

Le petit déjeuner de porridge chaud me fait penser à quelques-unes de mes randonnées étudiantes. Nous sommes prêts à affronter l’animal ! Pour moi, qui n’ai jamais monté à cheval, l’idée de monter à chameau est un peu sidérante.

Dans la jeep qui nous emmène au point de départ, le silence est complet. Nous serons 9 a priori et nous ne nous connaissons pas encore. Un premier arrêt dans un temple Jain de toute splendeur nous permet d’amorcer la conversation. Je n’ai jamais, jamais, jamais vu de sculptures aussi fines et magnifiques de toute ma vie : elles recouvrent chaque pan de mur en des motifs géométriques compliqués, mais réguliers : les fenêtres toutes en moucharabieh sont sans vitrage et le voile de pierre ouvragé les recouvre presque tendrement.

La pierre jaune d’or rayonne au soleil levant en jouant avec les reflets du lac voisin. Ah romantisme, quand tu nous tiens !!

Un jeune prêtre, le mouchoir sur le visage afin d’éviter d’avaler une mouche par mégarde -les Jains sont très respectueux de la nature et se refusent à tuer tout être vivant - pile des couleurs dans un coin du temple avec énergie. La grande pierre de marbre sur laquelle le jus safran se répand semble millénaire.

Nous repartons, le goût inimitable d’un chai épicé dans la bouche. Malheureusement, les photos n’étaient pas autorisées. Quelques minutes plus tard, nous y sommes.

Beau comme un chameau

Une grande zone de « prédésert », cailloux, terre de Sienne et broussaille, s’étend à perte de vue. Les chameaux sont là, les chameliers aussi.

Un chamelier qui parle à peine anglais me désigne un gros chameau « assis » un peu à l’écart. Une « selle » complètement recouverte de couvertures colorées et de paquetages à l’arrière recouvre sa bosse. Je me lance ! Une fois hissée sur cet assemblage de cuir et tissu, mon chamelier donne l’ordre à la bête de se redresser. Ouh là là !! Ca tangue d’avant en arrière avant de se stabiliser à une hauteur de près de 3 mètres !! - 2 m et quelques peut-être, mais pas moins en tout cas !! - Il se trouve que j’ai le chameau le plus gros de la troupe, et dans les premières minutes je ne me sens vraiment pas rassurée. Il s’appelle Rouda et a 5 ans. Emmanuel monte un chameau plus jeune, plus petit et plus nerveux aussi...

On nous donne les reines qui leur passent dans le nez. Yahlla, Chello, C’est parti mon kiki !

La caravane

Le pas nonchalant de ces animaux dociles nous rassure bientôt, et nous pouvons alors nous adonner à l’observation du paysage. En file indienne, les conversations naissent au gré de la volonté des chameaux. Ceux-ci ralentissent ou accélèrent, s’éloignent de la caravane ou s’en rapprochent sans que l’on puisse encore vraiment encore les contrôler. Les chameliers, qui marchent à nos côtés où montent les quelques chameaux supplémentaires responsables de l’acheminement des couvertures et victuailles, se chargent de les rabattre. Les personnes qui nous accompagnent sont un peu plus jeunes que nous en moyenne. Deux sœurs londoniennes, un Américain du New Jersey en goguette depuis deux ans, trois étudiants texans qui viennent de terminer leur cours de civilisation à Poona, et une Indienne ingénieure informaticienne qui se prend deux semaines de vacances au Rajasthan. Les conversations prennent forme et lorsque vient la pause de midi après deux ou trois longues heures de chevauchée, elles se continuent sur la minidune de sable qui nous accueille.

Melons du désert et feu de bois

Les chameliers cherchent du bois, sortent la farine, les pommes de terre, les légumes et le riz des sacs. Bientôt, le feu gronde et les chapatis formés avec dextérité sont mis à cuire. Le repas est simple et frugal, mais le bonheur de le voir préparé sous nos yeux le rend délicieux. Les dromadaires dispersés dans la pampa sont rabattus par un enfant chamelier - il a treize ans, mais en fait 9 - qui coure en tout sens dans la plaine aride. Re-harnachés, les dromadaires nous reprennent sur leur bosse et l’après-midi suit son cours...

Peu à peu, le paysage change. La terre devient plus jaune et plus sableuse. Les « melons du désert » - des sortes de boules de courgette non comestibles déjà aperçues au Yémen - jonchent le sol par endroits et rendent le paysage un peu surréaliste.

Le soleil chauffe maintenant... et les cuisses aussi. J’ai l’impression d’être écartelée sur cet énorme dromadaire qui cahote sans arrêt. Je prie pour un arrêt, mais la marche continue.

Plus loin, heureusement, juste avant de quitter les broussailles basses de la plaine, les chameliers ordonnent la pause, afin de chercher le bois qui nous servira au feu de camp de la soirée. L’un d’entre eux, sur les sollicitations du groupe part chercher des gitans, dans un camp non loin des dunes où nous nous arrêterons ce soir, afin de leur demander de nous jouer de la musique pour la veillée.

Coucher de soleil sur les dunes

L’arrivée aux dunes, peu avant le crépuscule est une délivrance pour nos petites jambes meurtries.

Emmanuel et moi nous échappons dans ce décor romantique. Les dunes sont moins vastes que nous l’espérions, mais la magie du soleil couchant opère tout de même. Le sable si fin est doux sous la plante du pied.

Nous rejoignons le « camp » une fois la nuit tombée. Tous sont déjà en cercle autour d’un feu qui ronfle fort, mais n’éclaire que peu. Le dîner toujours aussi frugal nous réchauffe malgré tout. La soirée que quatre danseurs, chanteurs et musiciens gitans accompagnent est agréable. La lune met du temps à se lever et c’est dans la pénombre que nous apercevons leurs mouvements vifs et sensuels.

Rosée du matin

Vers 22 h, la fatigue se faisant sentir, le campement est dressé. Seules deux couvertures - une sur le sol pour chacun et une pour les épaules - sont prévues... C’est un peu léger, si on considère l’humidité prégnante du sable que les jours précédents de pluie ont détrempé... Emmanuel et moi, comme les deux sœurs londoniennes profitons de notre intimité pour dédoubler les épaisseurs et nous réfugier sur un matelas unique. Bien nous en a pris ! La nuit sera froide et la rosée du matin sans pitié...

Prêts du feu de camp que deux chameliers rallument afin de faire chauffer le chai du matin, nous avons la chance d’être réveillés avant le lever du soleil. La dune face à nous rosit doucement tandis que nous nous extirpons de nos duvets humides, mais chauds. J’ai l’impression d’assister à mon premier lever de soleil. Rouge, rose, jaune, l’astre matinal éclaire en contre-jour la silhouette maigre des éoliennes en fond. L’Inde est en développement certes, mais en développement accéléré...

À notre retour au camp, le chai chaud, laiteux, épicé et sucré est servi dans une tasse en métal. Les chameaux rôdent. Un porridge simplissime et quelques toasts chauffés sur la poêle plate qui sert à cuire les chapatis complètent le petit déjeuner... Vedia, l’Indienne avec qui nous avions discuté la veille s’est enfuie dans les dunes et ne revient pas. Dommage. Elle continue le voyage un jour de plus, et c’est avec regret que nous quittons le camp sans avoir eu le temps de lui dire au revoir ou de prendre ses coordonnées.

Au galop mon coco !

Ce matin, nous maîtrisons mieux les bêtes et la nuit dans le désert nous a donné la confiance dont nous manquions au départ de l’hôtel hier. C’est parti pour le galop !! Avec un peu d’appréhension, je lance mon chameau docile qui se met à trotter avec nonchalance. Je saute sur la selle, je décolle presque, mais c’est grisant. Je commence à mieux connaître les règles pour parler à ma monture et j’arrive peu à peu à remonter la caravane. Emmanuel, qui a changé de chameau depuis hier, a par chance hérité du vieux sage qui conduit la file. À force de « dha dha », de « caillot » et de coups de talons sous la selle mon chameau reprend du poil de la bête :) et me permet de rejoindre mon cher « lonesome cowboy » qui se la joue explorateur.

Les rires fusent et les injonctions se font plus nombreuses dans la caravane. Nous nous connaissons mieux désormais et la course est possible. Je finis deuxième, hilare et exaltée...

Manu, que son « chameau guide » a trahi au dernier moment, arrive plus tard.

Back to reality

Mais c’est déjà le temps de rentrer. La jeep nous attend pour nous ramener en ville. Le retour se fait en silence, la chaleur de l’habitacle capitonné nous endormant tous un peu après cette nuit à la belle étoile.

Les joues en feu, nous nous faisons ensuite prêter des chambres à l’hôtel afin de nous débarbouiller... Nous retrouvons les sœurs londoniennes un peu plus tard pour un déjeuner en tailleur dans le palace que nous avions visité l’avant-veille. La discussion va bon train : elles sont cools, ces filles !

Dans l’après-midi, nous montons sur la banquette-lit surélevée de notre bus « sleeper » qui a pour mission de nous conduire à Udaipur en pas moins de 14 h !! Puisque désormais je ne suis plus malade en voiture, j’apprécie toutes les positions allongées, assises, recroquevillées sur le lit double que nous partageons dans ce bus cahotant... Le tout en train de lire mon roman indien. Maman, si tu me voyais !

La route sera éprouvante pour mon dos déjà secoué par le chameau et je ne parviendrais pas à dormir autant que je le pensais... mais ce n’est pas grave : je dois toujours faire un de ces massages ayurvédiques dont on parle tant dans le pays. Demain, pourquoi pas ?



Ca discute...

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