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Bangkok, le choc des cultures
Le 02/01/07

Retour à la civilisation, l’Occident caricaturé

L’arrivée à Bangkok ce matin de premier janvier 2007 était des plus surréalistes...

Après un réveil à l’aube dans une Calcutta encore brumeuse, nous avons filé en taxi vers l’aéroport à travers les rues mal réveillées de la capitale... Un petit aéroport que cet aéroport de Calcutta. Petit et radin, en espace, en commerces, en sourires et en couleurs. L’attente qui s’y est étirée pendant ces heures incertaines du matin a été longue. Dans le seul magasin du duty free, nous avons décidé de liquider nos dernières roupies pour quelques chocolats... immangeables. L’avion à moitié vide a finalement décollé avec une heure de retard.

Après quelques rêves tourmentés, encore un peu fiévreux de notre escapade dans la mangrove, nous avons débarqué dans un aéroport flambant neuf, entièrement climatisé, où le verre et l’acier jouaient doucement avec les pastels du mobilier et les couleurs vives de fresques de bienvenue. La formalité du visa expédiée, c’est un taxi sentant la rose qui nous a embarqués vers le centre-ville. Ces premières images de Bangkok sur les voies express flottant au-dessus de la ville ont inauguré en grande pompe notre entrée dans ce quart inconnu du monde, celui des « tigres » et « dragons » d’Asie du Sud Est. Les buildings élancés partout en construction s’élèvent dans la banlieue de la ville, le soleil brille doucement et l’impression d’opulence, de fluidité et de calme est souveraine.

L’arrivée à Khao San Road

, LE spot des backpackers de Bangkok est un peu plus brutal. La musique à fond, la foule colorée de rasta et de minijupes, de cheveux blonds et de shorts de trek et les odeurs appétissantes de take-away nous ont saisi tous les sens à la fois. Épuisés, nous avons jeté nos sacs dans la première guesthouse « cheap and clean » que nous avons trouvée, avant de ressortir explorer ce monde étrange. (Une guest house que nous n’oublierons jamais d’ailleurs... à la fois une ambiance de coloc de filles en journée, avec nos deux hôtesses qui faisaient des exercices de gym, cuisinaient et mangeaient dans la pièce de « réception ». Et une ambiance disco aussi le soir avec notre fenêtre donnant juste sur le bar-club hype de la rue). Après 3 mois de voyage au Yémen, à Oman, et en Inde, nous ne nous rendions pas compte à quel point nos systèmes référentiels avaient changé. On nous avait parlé de la pollution et des embouteillages de Bangkok... mais à ceux de quelle ville les comparait-on ?? La ville nous a paru « spotless » malgré l’animation. Le ciel clair et le soleil puissant. La respiration était facile après Calcutta et le soir nos pieds étaient loin d’être aussi noirs qu’ils l’avaient été les 3 mois précédents... Ici, tout était différent tout d’un coup. Comme une caricature d’un occident oublié.

Et puis la décontraction dans l’air.

On a mis un certain temps à comprendre d’où elle venait. C’est que nous avions oublié de quoi étaient faites les soirées parisiennes en été. Les terrasses fleurissent le long de la rue piétonne, véritable temple du tourisme exotique. Affalés aux tables de plastique ou de bois design, les hommes et les jeunes filles affalées, la peau un peu rouge, boivent des litres de bière, en dégustant des plats thaïs « adaptés ». J’avais presque oublié l’importance de l’alcool dans notre société, son rôle presque irremplaçable dans le processus de socialisation. « Sortir », c’est synonyme de prendre un verre chez nous. Et comme à Kao Shan, c’est les vacances toute l’année, des verres, il s’en descend pas mal tous les soirs. Les filles nous ont semblé nues ici. Toutes nues. Les mini-jupes qui couvrent leur culotte ne mesurent pas plus de 30 cm tout compris, les hauts, décolletés ou composés, dans les heures les plus proches de minuit, de simples ficelles étaient plus que suggestives. Thaïs ou européens, les corps, soudain, se montraient dans leur plus grande crudité ! En Inde, où les Saris révèlent pourtant la féminité en offrant la douceur de la peau du ventre au regard, je n’avais jamais ressenti une telle impression d’impudeur. Il y a la musique aussi. Tout à tour soft puis rock, au gré du changement de terrasse ou en fonction des heures de la nuit. La musique donne le ton, enflamme doucement les esprits et fait monter les enchères. Peut-être était-ce la fatigue ou le contraste, mais notre premier soir à Kao San, j’ai eu l’impression d’être plus ivre que jamais, emportée par cette foule de gens libérés, cette musique sensuelle et rythmée, éblouie par la profusion des foods stalls et autres commerces en plusieurs rangées.

Mais petit à petit, l’ivresse s’est apaisée et nous avons pu analyser ce qui faisait que soudain nos corps semblaient enfin capables de se détendre d’une longue crispation. Depuis le Yémen, la ville se vivait par des manques que nous n’avions pas remarqués. Ces manques alors comblés à Bangkok nous ont ouvert les yeux sur le stress dans lequel nous vivions au quotidien sans même nous en rendre compte.

Ici, par exemple, il y a des trottoirs

Ça peut paraître infime comme détail, mais c’est essentiel. Vivre sans trottoir, c’est vivre sur la route, sur le qui-vive tout le temps, dans l’espoir de ne pas passer sous les roues d’un véhicule quelconque. Vivre sans trottoir, c’est s’engueuler après un coup de stress et manquer de marcher sur un enfant qui joue tout nu dans la boue. Vivre sans trottoir, c’est vivre sur les bas-côtés de la route. Une route que tout le monde partage, pour le meilleur et pour le pire. Ici, la route est aux véhicules et les trottoirs aux piétons. Ici, la confusion de l’Inde disparaît : les véhicules ne sont pas hybrides, les gens non plus. Les hommes vélo-porteurs ont disparu et sur la route il n’y a que des voitures et des autobus, des taximètres roses, jaunes ou oranges, des cars parfois. Et quelques vélos, bien rangés sur le côté. Pas de chariots hybrides, de roues voilées, de camionnettes pickup défoncées, pas de « pigote » à 12 passagers. Quelques rickshaws pour touristes à la rigueur, mais leur propreté et leur vitesse suffisent à appuyer leur décalage avec la réalité traditionnelle. Et puis aussi, comment comprendre cette absence quasi complète de déchets, de résidus dans la rue. Nous ne sommes pas encore à Singapour, mais nous nous promenons dans une maquette. L’asphalte et le granit du trottoir, les arbres taillés et les monuments en perspective, tout est clair et apaisant sur les grandes avenues de Bangkok. Et même les 8 voies du centre ne sont pas agressives ! Les feus rouges sont là pour régler la circulation, et les policiers en costume moulant noir pour prévenir les accidents.

Sur les larges trottoirs des avenues, ou dans les rues piétonnes, seuls les sourires des commerçants, ceux des filles habillées trop courts, la douceur des échanges, la politesse asiatique nous accompagnent dans nos promenades thaïlandaises.

Ici, tout est luxe calme et volupté...

Introduction à l’Orient

Pourtant, la ville n’est pas aseptisée. La ville est touristique, certes, mais par endroits surtout. Bangkok est surtout vivante et animée d’une vie que je ne connaissais pas encore. Animée par une manière de faire et de penser qui m’était jusqu’alors étrangère.

« Je n’aime pas l’Asie » ai-je toujours dit. C’est comme ça, je ne sais pas pourquoi. « Je n’aime pas les Chinois »... Contrairement aux « Arabes », aux cultures islamiques, je n’ai jamais ressenti aucune attirance particulière pour les cultures asiatiques, le bouddhisme méditatif, et toutes les chinoiseries à l’encens... mais ici l’Asie s’annonce différente de celle que j’attendais avec appréhension.

L’Asie, que je découvre ici, est vivante et grouillante, tout en fluidité et netteté, en créativité et profusion, en contrastes assimilés, loin des heurts, cahots et approximations de l’Inde d’hier (dont je comprends soudain rétrospectivement le choc qu’elle peut produire...) Ici, les petits commerces sont foison, les « food stalls » animent toutes les rues depuis l’aube jusqu’au milieu de la nuit. Des petites cuisinières sur roulettes qui proposent au passant, des brochettes de toutes les boulettes imaginables, de poissons, de calmars et de fruits de mer aussi, des nouilles sautées aux légumes, et aux œufs, des pancakes à la banane (ça, c’est l’incontournable des backpackers...). Mais le take away n’est pas que frit, gras ou basique. Le take way ici n’est pas américain. Le take away ici est aussi diététique et local. Après les foods stalls de Kao San Road, il ne faut pas marcher longtemps avant de découvrir les tables de cantines, simples plateaux recouverts de toile cirée, qui s’allongent sur les esplanades et peuvent accueillir près de 20 personnes. Sur ces toiles cirées un peu fatiguées, mais très propres, des plats recouverts de toutes les herbes de la création patientent. On s’assoit où on veut. Le cuisinier s’approche et vous désigne alors en souriant deux marmites. Nous, on est plutôt pour la version non épicée... :). Les boulettes flottent dans le bouillon blanchâtre. Et puis après on fait comme on veut. On prend des herbes, on les coupe, les goûte, on les saupoudre, on les jette dans le bouillon, on se ressert. On a vraiment l’impression d’être à la maison : le chou cru est servi dans un vieil entonnoir de plastique rose, et les bouteilles de sauce semblent sortir du placard. On paye 20 bahts (un peu plus de 20 roupies) et moins de 50 cents d’euros, et on s’en va plus loin... s’arrêter devant un des milliers de stands de fruits coupés. Dans leurs caisses de plexiglas aux formes élégantes, les fruits déjà pelés et coupés, ananas, pamplemousses géants, fruits du dragon, pastèques, papayes et autres, attendent soigneusement rangés sur des lits de glace pilée qu’on nous les tendent dans un sachet transparent muni d’un pic hygiénique. Ailleurs, les cornets de feuille de lotus contenant des gelées transparente et blanche, des water chestnuts et des noix de coco au poisson ( ??) sont plus exotiques. Moins que les étalages d’insectes grillés toutefois. Cafards, sauterelles, et autres insectes en tout genre, du plus petit (genre mini crevette) au plus gros (taille d’un gros lézard) s’offrent aux bouches gourmandes et réjouies des Thaïs fatigués de vivre dans cette station touristique.

Une architecture traditionnellement contemporaine

Mais l’émerveillement n’est pas uniquement culinaire (bien que cet aspect là de la chose monopolise une grande partie de mes capacités extensibles d’émerveillement !) Les temples par exemple me surprennent agréablement. Ils ne ressemblent pas à leurs homologues hindous. On y retrouve bien sûr parfois perdus entre des bouddhas assis couchés et debout, des divinités hindoues... (L’imbroglio qui existe entre tous les courants religieux du coin m’est toujours impossible à démêler.) Mais l’atmosphère y est différente.

Les bouddhas d’or, minces et calmes, sont plus apaisants que leurs collègues hindous en plastique et aux attributs parfois étranges, voire grotesques. Les fleurs de lotus déposées en offrandes, grosses boules roses pointues sur leur tige verte rigide ont des allures de déco contemporaine. Plantées à côté de sticks d’encens dans des pots de sable lisse, elles apaisent l’âme. Le monochrome des statues recouvertes de feuilles d’or par les fidèles est lui aussi proche d’un minimalisme qui m’attire. Les énormes pots de terre remplis d’eau sombre et dans lesquels nage parfois un gros poisson rouge exotique, rafraîchissent mentalement l’atmosphère lourde de ces tropiques.

Même les peintures sont élégantes. Moi qui n’aime pas particulièrement les miniatures chinoises, je reste séduite par ces fresques sombres de bruns colorés sur lesquelles quelques personnages dorés à l’or fin accentuent les passages clefs de l’histoire.

Pourtant, le tout n’est pas minimaliste, loin de là. Les toits par exemple sont étrangement complexes. Comme empilés les uns sur les autres afin de créer un effet d’effilage des rives. On est encore loin des pagodes chinoises avec leurs fioritures rajoutées comme je me les imagine avec peine, mais la classe de la ligne tendue est là !

Une capitale tout en contrastes assimilés

Malgré la folie des centres commerciaux informatiques à 10 étages aux escalators d’acier que nous nous sommes fait le luxe de visiter, la ville elle-même est élégante. Si Bangkok, ancienne ville de pécheurs, ancienne « Venise de l’est » n’est plus, Bangkok la capitale thaï existe encore.

Les canaux qui la saignaient il y a moins d’un siècle ont été comblés, c’est vrai... et sur les deux canaux survivants du centre-ville, les bateaux-bus de bois filent à grand renfort de vagues violentes, avec efficacité de stop en stop, pour offrir une alternative aux embouteillages de l’heure de pointe. Mais sur la rivière centrale, d’autres lignes de bateaux-bus nous font découvrir une skyline mixte de tours et de petites maisons thaïes en bois, surélevées d’un étage. À Chinatown et Banglaphu, les ruelles sont encore nombreuses et vivantes. Le petit commerce n’est pas mort, au contraire, et ce, malgré la réussite incontestable des multinationales. Les quartiers résidentiels qui subsistent dans leur forme traditionnelle ne sont pas -comme parfois en Inde- des bidonvilles. Ici, les rez-de-chaussée sont occupés par des activités du quotidien, qui mêlent intimité et service public. On a souvent l’impression de rentrer chez des gens en passant dans la rue. Les portes sont ouvertes, les chaussures à la porte. Nous entrons dans le quotidien aux accents traînants du thaï.

À Bangkok, nous sommes donc restés quelques jours, histoire de nous acclimater à la nouvelle année, à ce nouveau voyage qui recommence presque, après la rupture du vol. (voir article « C’est génial de faire le tour du monde - la continuité du voyage »)
Nous avons visité les incontournables et avons traîné ailleurs. Nous avons croisé des jeunes voyageurs aux projets d’import-export un peu utopiques, et été impressionnés par de vieux routards richissimes et venants de l’École de la Rue.
Nous nous sommes interrogés sur les moeurs des Thaïlandaises et sur tous ces couples étranges, formés par des grands hommes blonds, accompagnés de ces Thaïes fluettes. Ni enfants, ni forcées, ces « Thaïes maîtresses » affichées, nous ont questionné, comme si nous étions dans « Nana » de Zola, en décalé.
Nous nous sommes donnés du temps pour absorber le choc des prix et le retour partiel en occident.
Nous nous sommes engueulés, réconciliés, inquiétés et finalement, décidés à quitter cette parenthèse de confort bienvenu avant de reprendre la route... vers le sud, toujours plus loin, jusqu’à Singapour, la ville attendue, rêvée et détestée, Singapour, le sujet polémique de nos nuits orageuses.



Ca discute...

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