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Kong Lor et sa grotte magique
Le 09/02/07

Déception de départ...

Nous arrivons à la nuit tombée à Thakek, une ville de province un peu abandonnée, dans le but d’y laisser nos sacs pour les trois jours à venir : nous avons en effet l’intention de partir 3 jours en mobylette (300 km) pour une « boucle » (the « loop ») autour de la fameuse grotte de Kong Lor. Le paysage est réputé être magnifique et le grand projet de barrage national dont la construction est prévue pour 2008, est à même de le faire disparaître rapidement. Nous aimerions faire partie des derniers témoins...

Mais le livre de commentaires des backpackers ayant fait cette « boucle » avant nous met un frein à notre enthousiasme : les engins qu’on loue dans le coin sont en trop mauvais état, les crevaisons sont apparemment nombreuses sur les routes de sable, et les accidents sont fréquents. N’ayant aucune expérience en matière de mobylette, nous renonçons la mort dans l’âme. (Après le volontariat avorté de Vang Vieng, ça fait presque trop de déceptions dans la semaine...)

Les heures de tuk-tuk local remplaceront donc les heures de mobylette, et on se promet de remettre ça un autre jour.

La poussière de l’amitié

Après un dernier essai sur les motos pour être bien sûr qu’il n’est pas possible pour nous de nous aventurer sur la boucle, nous entamons notre long trajet vers Kong Lor.
Trois tuk-tuks nous prendront en relais à travers des paysages d’aiguilles et de pains de sucre noirs, et de brume de chaleur. Les petites maisons de bambous sur pilotis se succèdent, une fois de plus, le long de la route et nos compagnons de voyage, alternativement encombrés d’une grande scie à deux manches, d’un sac de poissons encore vivants dans leur eau, de trois poulets attachés par les pattes ou d’un coq en cage, montent et descendent au gré des stops improvisés. Nous hébergeons même entre les bancs une mobylette ayant rendu l’âme, et son propriétaire à califourchon, sur quelques dizaines de kilomètres.
Les sourires des vieilles femmes sont noirs et rouge sang de trop de bétel mâché depuis des années.

Nous avons lié connaissance avec d’autres voyageurs : deux Australiens venus d’Adélaïde, qui ont eux aussi décidé d’explorer cette province perdue. Nous allons rester encore quelques jours ensemble. C’est le réchauffement climatique qui nous a servi de sujet d’introduction alors que la poussière de ces routes non bitumées nous étouffait de ses nuages rouges.

Le Laos à l’état pur, un petit paradis rural encore un peu communiste

Le village, dans lequel nous nous sommes finalement arrêtés, est relativement grand. Une cinquantaine de maisons peut-être. Les métiers à tisser sous les maisons sont nombreux et en marche à notre arrivée. Aucun magasin en vue pourtant. Les femmes ici travaillent pour habiller la maison et prennent leur tâche à coeur, si l’on en juge par les épais rouleaux qui s’accumulent sur les métiers. Les petits-enfants, souvent nus et plein de poussière, se bousculent à notre passage pour nous saluer.

Mais cet accueil était pur, ici aussi, sans l’ombre d’une pointe de mendicité.

Les guesthouses, les restaurants et les boutiques ne sont pas monnaie courante dans ce village. Si on veut rester, la seule solution est de dormir chez l’habitant.
Les 5 dollars qu’on paye pour le couchage et les 3 repas journaliers sont, selon un système un peu communiste, partagés avec tout le village...

L’ambiance ici est incroyable. Je ne sais pas dans quelle mesure on peut dire que ces gens sont pauvres. Oui certainement, ils sont très pauvres. Mais pas de misérabilisme. Les hommes construisent, agrandissent et réparent des maisons très très très spacieuses selon nos normes parisiennes ; les femmes vont chercher de l’eau à la rivière ; les enfants vont même à l’école le matin.
Les coqs et les cochons sont très nombreux dans les rues et ont l’air très en forme. Le village est en outre très propre (aucun déchet plastique ne jonche les rues comme au Yémen), et les gens aussi, malgré la poussière environnante et l’inexistence de l’eau courante. Les femmes se baignent en sarong dans la rivière le matin et le soir tandis que les enfants à leur côté, tout nus, s’éclaboussent en riant.

Au dessus des cochons et autres coqs en goguette

Nous dormons sur de simples matelas posés à même les magnifiques planches de bois qui couvrent le sol de la pièce principale. Cette dernière, en réalité une grande terrasse couverte, est gigantesque, au moins 40 mètres carrés. Sur deux côtés contigus, quatre chambres en tout et la cuisine, à l’angle, complètent la maison.

Les repas traditionnels qu’on nous sert sont copieux. Si le riz glutineux dans son petit panier de bambou tressé est toujours de la partie, les variations se font essentiellement sur la soupe-sauce qui l’accompagne. Des feuilles vertes, longues ou rondes la composent, accompagnées d’œufs ou de rognures de bœuf ou de pattes de poulet. Les légumes proviennent directement des jardins qui fleurissent en carrés « médiévaux » sur les rives sablonneuses et fertiles de la rivière (c’est la saison sèche). Tous les ingrédients verdoyants de la cuisine laotienne s’y trouvent rassemblés : concombres, oignons, citronnelle, choux, salades et autres herbes dont je ne connais que le goût, poussent avec la ferveur des plantes tropicales quelques mois par an.

« Notre grand-mère » est incroyable

Les familles qui accueillent sont celles qui possèdent de grandes maisons, hébergeant déjà 3 ou 4 générations sous le même toit.
Composée, si je ne me trompe pas, de 13 personnes (une grand-mère et son grand-père, plus deux couples, et leurs sept petites filles, dont une petite miss handicapée qui m’a serré le cœur dès que je l’ai aperçue (Daya Dan m’a vraiment marquée...), notre famille est pourtant timide.

Les enfants, tous entre un et douze ans, vont et viennent. Les mamans travaillent à tout un tas de choses dans la journée et je remarque vite qu’elles ne sont pas trop encombrées de leur progéniture. Le petit de un an passe en effet de hanche en hanche chez les petites filles qui dès trois ans ont un instinct maternel bien développé.

De tous, la grand-mère est celle dont nous nous rappellerons le mieux. Elle ne parle pas un mot d’anglais pourtant (personne ne parle anglais ici, sauf celui qui est chargé de collecter l’argent pour le village), mais elle fait des efforts intenses de communication. Elle rit tout le temps de ses dents noircies. Ses biceps sur son petit corps frêle sont remarquables et malgré ses rides et ses cheveux blancs, sa vitalité force le respect. Je me demande quel âge elle a : elle est loin d’être impotente, elle porte les petits en bandoulière dans une écharpe de tissu tandis qu’elle vaque à d’autres occupations. C’est elle qui fait les matelas de la maison, qui détaille à la machette de minces lamelles de bambous à tresser le soir avant d’aller se coucher. C’est elle enfin qui s’occupe de nous.
J’ai sorti pour une première le petit livre d’images-dictionnaire qu’Alice m’avait offert avant le départ et que j’avais oublié dans ma pochette de papiers importants. C’est fou comme ça aide quand aucun ne maîtrise le langage de l’autre...

La Grotte...

Mais si la vie dans le village est fascinante et vaut le détour à elle toute seule, c’est l’incroyable grotte qui passe sous la montagne, et la traverse de part en part, qui nous a, en premier lieu, poussés à franchir tous ces kilomètres.
Au lever du soleil le lendemain de notre arrivée, alors que tout le village est déjà en effervescence depuis quelques heures, nous embarquons sur de frêles barques plates en direction de la montagne. En effet, la grotte a été creusée par la rivière.
Le niveau d’eau en cette saison est vraiment bas et les conducteurs se lèvent parfois pour pousser lorsque le fond frotte sur les rochers... Le paysage est indescriptiblement beau et j’espère que les photos en parleront peut-être mieux que moi. L’entrée de la grotte, qui nous a attirés jusque-là est en réalité le résultat de l’affrontement de la rivière et de la montagne. De sa gueule béante et noire s’exhale un air un peu chaud de pierre humide non ventilée.

Les cris des chauves-souris nous surprennent à l’entrée : il fait déjà plein jour pourtant. Le parcours dans la grotte est à la hauteur de ces premières impressions. Les quelques heures que nous passons à parcourir les 6 km sous la montagne, dans le noir complet de cette rivière-grotte, sont des plus impressionnantes. Parfois, la barque racle sur le fond rocheux invisible dans l’eau noire. Parfois, nous sortons de la barque pour progresser pieds nus sur les graviers coupants. Des stalactites et stalagmites scintillantes sous la lumière des torches peuplent les rivages étranges de cette rivière souterraine. Certaines de ces concrétions rocheuses sont fracassées sur le bord, témoins d’un sac ancien du lieu par des villageois intrépides qui croyaient pouvoir trouver de l’or à l’intérieur.
La lumière concentrée des lampes de poche arrive à grand-peine à nous permettre d’appréhender les dimensions fantastiques de cette 8e merveille du monde. Haute de 20 ou 30 mètres par endroits, large de presque 50 parfois, cette grotte agrémentée de maints tournants, de bras morts et de bancs de roches, reste un mystère dans son tracé pour moi.

L’arrivée du halo de lumière naturelle à la sortie est un véritable soulagement pour moi. Mes pieds meurtris et l’angoisse latente qui a dominé ce moment de découverte magique me font ressentir à quel point l’homme a besoin, comme une plante, de soleil pour vivre.

Une petite pause sur la rive, agrémentée d’une balade pieds nus sur les sentiers poussiéreux des sous-bois qui descendent de l’autre versant de la montagne noire finit par me détendre. Je suis enfin prête pour le retour.

Moins long que l’aller, le retour est tout aussi douloureux pour nos pieds sensibles, incapables de viser correctement dans l’eau noire. Mais l’expérience dans son ensemble reste mémorable et est probablement une des plus intenses depuis notre arrivée au Laos.

Back to life

Le retour vers la civilisation nous prend 15 h, en deux étapes, le lendemain. Mais nous ne le regrettons pas.

L’arrivée à 1 h du matin à Pakse clôt le voyage dans sa dimension backpackeresque. Les quelques kilomètres de marche qui nous séparent du centre-ville ont suffi à ce que tous les propriétaires de guesthouse aient le temps de s’endormir très profondément et surtout de fermer leurs portes. Et ce n’est que vers 3 h du matin, après avoir réveillé de manière un peu brutale un énième veilleur de nuit que nous réussissons enfin à trouver le repos...


Voir photos :
La vie à Kong Lor, village du Laos
L’étonnante grotte de Long Kor



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