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De Luang Prabang à Vang Vieng - 1/2
Le 26/01/07

Que c’est loin ce début de voyage au Laos, nous sommes au Cambodge déjà et ma mémoire peine à retrouver chacun des détails de notre voyage dans le nord du Laos... Quelques détails donc ce soir en guise de souvenirs.

Luang Prabang, ou la fusion des genres

Luang Prabang, LA ville classée par l’Unesco au Laos, n’est pas la ville que nous attendions : nous ne savions rien du Laos, sauf que justement ça devait être différent de « chez nous ». Or Luang Prabang n’est pas aussi différente que le Laos nous le montrera quelques jours plus tard. Bien au contraire : Luang Prabang, c’est un peu le premier clin d’œil à la France de notre voyage...

Peut-être est-ce ce sentiment familier qui nous a tout de suite étreint ou bien le fait de pouvoir enfin quitter notre bateau surpeuplé, mais nous avons vécu notre arrivée sur les quais bas et sableux de la ville, comme une vraie délivrance.

Les petites maisons coloniales à un étage qui s’égrenaient le long de la rue principale bordant les quais hauts, avaient ce soir-là une teinte ocre-dorée à la lumière du soleil couchant. Les terrains de pétanque le long de cette rue au trafic très modéré, et les exclamations du public toujours plus nombreux, nous ont soudain rappelé que, pour la première fois, nous entrions dans un territoire que la France avait un temps habité...

Qu’il est étrange soudain d’être si près de la maison, et si loin à la fois !

Les baguettes dans les food-stalls, la pétanque sur les quais à laquelle on joue pour arrondir ses fins de mois, les « bons voyages » des stations de bus, et tous ces touristes français soudain... Nous nous sentions presque en vacances dans le sud de la France !

Luang Prabang, au premier regard, c’est donc tout de suite, comme le décrit si bien l’Unesco, une fusion exceptionnelle entre l’architecture coloniale et les modèles urbains laotiens, entre les maisons blanches et massives qui tranchent avec la végétation sombre des tropiques, et les petites maisons de bambou qui se regroupent autour d’un plan d’eau.

Les petites allées perpendiculaires à l’avenue qui bordait les quais possédaient toutes le cachet particulier d’un monde aujourd’hui disparu : celui d’une ville compacte d’avant les voitures, une ville très proprette où les enfants jouent dans les rues et les marchands de soupe passent de porte en porte...

La végétation qui s’échappait de chacune des cours entourant ces maisons était luxuriante et très entretenue. Les fleurs multicolores, et l’ombre des grands arbres devaient y rendre les après-midi agréables par les fortes chaleurs de la saison sèche.

Malheureusement, nous n’avons pas tout de suite eu le loisir de le vérifier, puisque, dès notre réveil le lendemain, le temps s’était mis à faire la tête. Le ciel, plombé de nuages gris sombre, faisait son possible pour venir écraser le toit des maisons qui, de blanches, étaient soudain passées à une teinte grisâtre...

L’humidité remontait du fleuve avec insistance et bientôt nos quelques habits ne suffirent plus à la combattre avec efficacité. La pluie finalement s’est elle aussi décidée, nous contraignant alors à une immobilité forcée.

Leçon d’humilité

Mais peut-être que l’un des plus gros avantages du voyage au long cours est justement de pouvoir accepter les aléas, climatiques et autres, et de les retourner en notre faveur. Ce premier matin gris où nous avions changé de guesthouse, pour une petite maison coloniale au grand escalier de bois craquant, et, aux chambres très spacieuses, nous avons donc eu la chance de faire la connaissance d’un gros monsieur américain, que jamais, jamais par beau temps nous n’aurions abordé.

Il était assis sur le banc en béton à la table ronde de béton et de damier de céramiques incrustées qui orne invariablement toutes les cours d’Asie du Sud-est, en train de siroter un café. Une question anodine sur le change nous a servi de prétexte à la rencontre.

-  ce sont les bijoutiers qui ici sauront vous donner le meilleur taux !

-  les bijoutiers ? Pas les banques, vous êtes sûr ?

-  oui, oui, croyez-moi, je suis ici depuis assez longtemps...

Cet Américain, dont les cheveux gris et mi-longs tombaient de manière un peu démodée sur sa veste de cuir usé, avait un sourire sympathique quand il parlait.

Parti des États-Unis depuis près de 10 ans, il avait décidé de vivre à mi-temps en Asie du Sud-est, d’un trafic pas très clair de meubles en bois, et de leçons d’anglais aux militaires.

Au Laos, c’est donc dans cette petite guesthouse qui ne paye pas de mine depuis l’extérieur qu’il avait élu domicile. La petite fille turbulente de la maison, comme pour en témoigner, est souvent venue, au cours de notre conversation, se nicher dans ses bras, tout en tentant de lui dérober, briquet, cigarettes et autres clefs.

Bouddhiste depuis 15 ans, il nous apprit comment un Occidental peut s’approprier cette philosophie centenaire sans tomber dans le mysticisme. Nous avons parlé politique, religion, addiction, et consommation. Durant 4 h, j’en ai appris plus sur le Laos, la méditation (et les États-Unis) que je ne l’avais fait avec le guide en deux jours...

Cet homme sage parmi les sages, sous ses allures de cowboy américain, nous a pourtant surpris à la fin de l’entretien, lorsqu’il nous a avoué avec un enthousiasme d’enfant, qu’il venait de recevoir une offre à Pékin pour jouer dans des productions télévisuelles chinoises : ils manquent de silhouettes massives pour faire les méchants occidentaux ! Peut-être bien que nous le recroiserons dans quelques mois, sur l’écran de notre chambre d’hôtel...

Mais Luang Prabang, ce n’est pas que les rencontres, celle-ci, celle d’un petit moine à la tombée du jour qui voulait pratiquer à la sauvette son anglais, ou encore celle des Laotiens à l’alcool de riz que j’ai relaté dans l’article « Tout en douceur laotienne ».

À Luang Prabang, au-delà des souvenirs agréables de notre journée à vélo autour de la ville, de notre escapade jusqu’aux cascades turquoises incroyables de Kuang Si, de l’exploration incontournable des grottes sacrées du Bouddha auxquelles on accède qu’en bateau, et des visites de plusieurs temples sur les collines et ailleurs, il me reste ce soir des images du marché de nuit, et de l’exposition d’art contemporain au palais royal.

Des regards artistes pour pénétrer la réalité

Au cœur de l’ensemble architectural du palais royal, qui a à la fois le faste des édifices du début du siècle dernier, avec ses peintures des années 20, et l’élégance incontestable des palais laotiens, avec ses mosaïques « à la japonaise » (voir photo, c’est incroyable...), une exposition d’art contemporain nous a prise au jeu.

Ça fait longtemps qu’on n’en avait pas vu, et peut-être est-ce simplement pour cette raison qu’elle m’a marquée.

Mais, peut-être est-ce aussi parce que le regard des artistes sur la société est parfois si perçant qu’ils sont capables de nous révéler des choses que notre seul regard ne fait qu’effleurer, et que même pendant plusieurs mois, il ne saurait nous révéler...

Dans cette exposition où les deux médias se mêlaient (dessin, vidéo, peinture, broderie, architecture, photo, etc.), on y trouvait pèle-mêle les rêves d’un architecte qui avait construit un « pavillon » de méditation flottant parcourant les rives du Mékong, des broderies d’or sur des tentures de soie représentant une foule de maisons sur pilotis, au cœur d’une forêt d’antennes satellites, le compte-rendu photo d’une retraite de méditation Theravada à laquelle 500 jeunes moines venaient d’assister dans la forêt voisine, etc.

-  Je me souviens en particulier du regard d’un homme sur la vie des villages du fleuve que nous n’avions pas encore réussi à percer, à force de pièges touristiques, et qui, une fois le documentaire visionné, nous a ouvert les yeux.

Le bruit de forges qu’on n’entend pas toujours, nous est soudain parvenu entre les bruits de moteurs et de coqs excités, l’omniprésence des machettes qui servent à tout ici, depuis le détail du poisson jusqu’à l’effilage des bambous, nous est également apparu dans les mains des touts petits qu’un T-shirt simplement habille.

L’histoire du Laos enfin, complexe et terrible, racontée à l’écran par un jeune du pays, nous a permis de regarder, tout au long de notre visite au Laos, l’apathie apparente des Laotiens, autrement.

L’histoire de la guerre « qui n’a pas eu lieu », du pilonnage sans fin de la plaine des Jarres que nous n’allions pas visiter, ou des chemins d’Ho Chi Minh encore criblés de mines, racontée par cet œil artiste avec les bons mots et les bons rythmes, nous a fait comprendre, mieux que tous les guides, de la résilience infinie de ce peuple cent fois martyrisé.

Grâce à ces images et ces visages qui ressemblaient de manière troublante à celles que nous traversions et que nous rencontrions, nous sommes allés au-delà de la surface lisse des choses, au plus profond de la « douceur » laotienne, faite de souffrance et de résignation...

Couleurs de la nuit

Le marché de nuit de Luang Prabang, c’est la douceur infinie des étoffes, le chatoiement de la soie qu’on découvre plus rêche qu’on ne le pensait, le sourire infini des marchandes descendues des montagnes pour vendre leurs produits locaux, le marchandage à mi-voix et les excuses presque gênées lorsqu’on nous propose un prix qui semble nous offusquer.

Ce sont les coffrets en pierre ouvragée qui ressemblent à du bois ou de l’ivoire selon l’éclairage, et qui ont réussi à faire craquer Manu, qui lui, n’achète presque jamais rien...

Le marché de nuit, c’est aussi le froid pinçant qui nous fait frissonner jusqu’au plus profond des chairs et nous rappelle l’hiver strasbourgeois, ce sont les odeurs de poisson grillé entier sur les braises, de brochette de riz glutineux (si ça existe), et des feuilles de laitues délicieusement fourrées... à quoi d’ailleurs ?

Le marché de nuit c’est encore les rencontres autour d’une soupe chaude sur un banc et une toile cirée éclairée dans la nuit, d’un British qui revient de Vang Vieng, une lueur incroyable dans les yeux : il a fait du volontariat là-bas pendant deux semaines et sa passion nous convainc immédiatement.

Demain, c’est décidé, nous partons construire des maisons de boue à Vang Vieng !

La suite : De Luang Prabang à Viang Vieng - 2/2


Voir photos :
Luang Prabang, la douce coloniale (I)
Luang Prabang, cascades et cave sacrée (II)
Luang Prabang (III)



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