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Escale à Canton
Le 07/04/07

Bienvenue sur la côte...

Une fois de plus nous arrivons de nuit dans cette immense ville que nous ne connaissons pas. Tard dans la soirée, avec pour mission de trouver un lit dans l’océan de prix trop chers pour nous. Aussi chers que la France à vrai dire, sauf qu’on n’a pas prévu le budget pour faire le tour de la France en un an !
... en camping, peut-être remarquez)
Alors, on hésite à se faire embarquer par des vendeuses d’hôtels à la gare qui pour une somme modique nous emmèneront dormir en banlieue.
On hésite et finalement, après plus d’une heure de marchandage, on ne le fait pas. L’heure tourne et il est déjà 10 h quand on s’aventure dans le métro. On se bat avec les machines, tout en chinois (qui possèdent une version « English » pourtant... mais ce soir-là, on ne l’a pas remarqué).
La bouche de métro nous recrache sous un entrelacs de bretelles d’autoroutes qui semblent nous entourer de toutes parts dans la nuit sombre et humide. Alors, on cherche des passages, des escaliers, des passerelles pour se faufiler de l’autre côté, là où l’eau brille doucement, sur la petite île centrale où nous espérons trouver un lit pas cher, au cœur de la ville.

Notre île de silence

Les rues de l’autre côté sont impeccables et resplendissent, toutes mouillées de la pluie du jour, sous la lumière un peu jaune des réverbères. Les immeubles très blancs, de style plutôt victorien ainsi que la couleur douce des enseignes en retrait me donne l’impression de circuler dans les rues résidentielles de Westminster en fin de soirée.
Le calme qui règne dans ces rues vides est cependant assez étrange. Pas de Chinois, ni de backpackers par ici. Seuls quelques portiers attendent, l’air un peu las, devant des portes dorées.

Le prix de la chambre dans le quartier n’a effectivement rien à voir avec celui de la gare du nord. On ne double pas les prix ici, on les multiplie par 10.

Et c’est ce qui explique certainement le silence tout particulier de ce quartier.
Demain, en pénétrant dans un de ces hôtels luxueux pour demander un renseignement, je me rendrai compte qu’ils sont pleins, mais qu’ils constituent des univers à part entière, capables d’aspirer toute la vie de la rue « à l’intérieur », dans l’espace privé, aseptisé et commercialisé de leurs lobbies trop policés.
Mais s’ils sont là, c’est certainement qu’ils répondent à un réel besoin d’intimité de la part du nouvel arrivant européen en Chine.

À force de voyager en Asie, j’avais presque oublié à quel point les rues de nos quartiers résidentiels peuvent être vides. En Chine, comme en Indochine, les gens vivent littéralement dans la rue. Ils commencent par s’y brosser les dents tôt le matin, ils y font leur commerce, y déjeunent, y reprisent leurs chaussettes, y cuisinent, s’y rencontrent...

Mais sommes nous encore en Chine sur la côte ?...

On dort dans l’arrière-cour

Chine de la côte ou Chine du centre, nous n’avons ni de quoi ni l’envie de nous offrir ces lobbies revêtus de marbre. Nous sommes fatigués et nous cherchons juste un lit pour nous reposer.
Alors, nous optons naturellement pour le seul hébergement qui se rapproche de nos moyens - tout en les dépassant naturellement. Un dortoir étrangement vide, situé au fond de l’arrière-cour d’un hôtel aux prix prohibitifs. Les ouvriers et les petits employés y passent régulièrement. Le gardien, avec ses caméras, y a son petit local. Les robinets sont dans la cour. En pyjama, le matin, la confrontation avec le maçon qui coupe ses dalles est poétique :)
Dans notre chambre, seul un des 8 lits est occupé par un Chinois qui semble littéralement avoir élu résidence dans cette arrière-cour depuis de nombreux mois.

Je comprends mieux pourquoi aucun backpacker n’a été en mesure de nous donner des conseils sur ces villes de la côte.
C’est que tout simplement personne ne s’y aventure.
En plus des prix prohibitifs, ça manque cruellement de petits bars abordables, de grands espaces et de minorités en costume.

Poésie urbaine

Le lendemain matin, le ciel est blanc, comme à Xian la veille, le soleil derrière la brume en moins. Les ombres n’existent pas, et les rues ressemblent à un décor de carton-pâte. Il manque une dimension à ce matin : le temps ne semble pas s’écouler de la même manière que d’habitude.

Emmanuel dort, et j’explore.
Le quartier est toujours aussi silencieux. Seules quelques familles européennes passent silencieusement dans les rues, caméra sous le bras et petite fille à la main.
Mais cette ambiance finit par m’oppresser et je m’en échappe rapidement pour retomber dans l’univers étrange des autoroutes urbaines qui encerclent notre île.

Leurs niveaux se croisent et se superposent en couches multiples sans que le regard puisse toutes les embrasser d’un seul coup. Et pourtant, je ne trouve pas ça vraiment agressif. C’est une des différences fondamentales avec nos bretelles d’autoroutes françaises. Ici les infrastructures de béton (pas que je les admire sur le plan écologique) véhiculent une émotion esthétique incroyable, grâce à la manière unique dont elles se confrontent à la ville. Plus que la géométrie de ces infrastructures, c’est l’entrelacement de la trame des rues, du végétal, et des rubans de béton flottants qui est « picturesque » (pittoresque).

En réfléchissant un peu, je comprends que la poésie qui me touche vient de ce que l’imbrication des échelles se fait tout en douceur. L’homme et la ville s’approprient les « dessous » et évitent ainsi de donner naissance aux no man’s land effrayants et dangereux des bretelles d’autoroutes larguées dans nos banlieues distendues.
Au nord de notre petite île, les piliers massifs d’une voie suspendue dans les airs plongent dans un canal aux eaux calmes. La promenade qui le longe, ainsi abritée de trop de soleil et du mauvais temps, attire les marchands ambulants qui s’y installent et proposent aux passants de leur acheter qui un pamplemousse géant, qui une saucisse embrochetée. Plus loin, entre deux écluses, des pêcheurs tentent leur chance dans les eaux grises du canal immobile.

Couleurs locales

Une fois qu’Emmanuel est réveillé, nous passons de l’autre côté des bretelles dans le petit quartier où le marché quotidien a éveillé notre curiosité.
Édulcoré dans sa version contemporaine, ce marché était censé effrayer tous les Européens de passage par l’exposition qu’il faisait de chiens écorchés et autres petits chats à vendre pour la soupe.
Mais, aujourd’hui, il ne subsiste de cette ménagerie que de multiples boutiques de plein air proposant des animaux de compagnie, tous plus mignons les uns que les autres. Les poissons exotiques arrivent en tête des ventes, étalées dans des bassines oxygénées à nos pieds. Dans la rue des boutiques « sèches » par contre, on trouve encore de quoi effrayer nos sensibilités occidentales, pourtant déjà bien émoussées : à côté des ballots de serpents séchés et éventrés, des réserves de cafards, hippocampes, et autres vers jaunis, attendent d’être achetés pour s’intégrer à des préparations médicinales complexes.
Des tendons de veau auxquels se rajoutent des centaines d’autres ingrédients dont on n’arrive pas à comprendre l’origine complètent le tableau.

L’animation est modérée.
Plus loin par contre, la musique résonne dans toutes les rues avec fureur. On est dans le Canton vivant et moderne de 2007. Un Canton très international, plein de boutiques de fringues aux enseignes mondiales. La foule est dense. Et c’est là que nous nous en rendons vraiment compte : nous sommes en plein week-end de Pâques !

Joyeuses Pâques !

Comment ça a pu aussi complètement nous échapper ?
L’explication est pourtant bien simple, à force de vivre sans calendrier, sans rythme hebdomadaire, sans véritable week-end et jours de travail, et presque sans saison (après un été de 8 mois, nous venons d’enchaîner sur notre hiver montagnard, et voilà que c’est déjà le printemps !), on perd la notion du temps.

Pâques avec ses petits œufs, l’arrivée des fleurs et le redoux par rapport à un froid qu’on n’a pas connu n’étaient vraiment pas censés tomber maintenant !

Mais bon. C’est ainsi. C’est Pâques et tous les bus ou les trains que nous tentons de réserver sont soi-disant complets pour les deux jours qui viennent. Quant au ferry dont le guide nous parle avec tant d’emphase, il n’existe plus...
Là, c’est un peu la panique, il faut bien l’avouer ; que de stress et d’argent dépensés en vain pour s’approcher si près de la ville mythique, sans même y parvenir !
Non, non, ce n’est pas possible. Je refuse d’y croire.

Obstinément et contre les avis assertifs de tous les revendeurs de billets de notre quartier, nous quittons notre dortoir d’arrière-cour où le Chinois dort toujours, mettons nos sacs très lourds sur le dos et partons vers la gare de l’Est qui se trouve à l’autre bout de la ville.

Aller à Hong Kong, en Chine ( ?)

Le terminal pour Hong Kong se trouve au dernier étage du complexe tentaculaire.
Or l’état des peintures et la qualité des revêtements de sol s’améliorent significativement avec les étages. Aller à Hong Kong, c’est apparemment un privilège non négligeable, quand on est Chinois.
Après avoir obtenu son permis de séjour d’une semaine par an au maximum (avec force de corruption obligatoire pour les Chinois de base, si l’on en croit les récits de Bernard Boursicot), il faut en plus parvenir à s’acquitter du très coûteux billet de train qui vous emmènera de « l’autre côté » de la Chine.
Là où on parle de démocratie pour demain, et où les normes de vie sont depuis longtemps celles de l’occident.

Nous montons quand même l’escalier et nous faisons la queue au guichet. La guichetière nous interroge dans un anglais impeccable (incroyable pour la Chine) sur notre destination.
Nous répondons avec un peu d’hésitation tellement les affirmations des vendeurs de billets de train de notre quartier touristique étaient claires...
-  « Nous voulons partir dans l’heure, pour Hong Kong ! »
-  « Pas de problème, le train part à 14 h 30 » nous répond-elle avec un charmant sourire...

Incroyable. La surprise est telle que nous payons sans même tenter de marchander ce billet qui vaut de l’or, et nous mènera en deux heures environ à Hong Kong.

En passant par le contrôle des visas, on regarde à regret notre visa obtenu au Vietnam, invalidé par le tampon de sortie de Chine.
Nous n’avions demandé qu’une entrée en Chine à l’époque...

Mais au fait, Hong Kong n’est-elle pas en Chine justement ?
Son gouverneur n’est-il pas régulièrement nommé par le président chinois lui-même ?

Il faut croire que non. À Hong Kong, nous serons obligés de refaire faire un visa d’entrée en Chine.
Hong Kong n’est plus britannique, c’est certain. Mais quand sera-t-elle réellement chinoise à nouveau ??



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