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Dejin, toute grise et toute seule au bout de sa route en lacets
Le 29/03/07

À l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, nous partirons

Après avoir été séduits par Zhongdian, comme nous l’avions été, il était difficile pour Dejin de relever le défi de réussir à nous impressionner de la même manière. Surtout quand l’accessibilité de la place est si difficile. Pourtant, le voyage tel que nous l’avons vécu de l’aube jusqu’au milieu de l’après-midi nous a estomaqués.
Les paysages que nous avons traversés à la sortie de Zhongdian, au-dessus de son lac asséché en hiver, perdu au milieu des immenses plaines tibétaines vallonnées nous ont estomaqués. Si le Tibet dans son entier est à l’image de ce petit bout de province indépendante, alors, c’est sûr, un jour j’irai !

Le départ de Zhongdian, à l’heure où blanchit la campagne, n’a pas été aussi facile que nous l’espérions. Il devait être trop tôt pour la ville, il devait faire trop froid pour que les bus se mettent en route... Nous avons dû marcher avec nos lourds sacs à dos à travers toute la vieille et la nouvelle ville jusqu’à la station de bus, durant près d’une heure dans le froid glacé, brillant et piquant du petit matin.
Sur notre chemin, un homme sur le trottoir, mal réveillé, se brossait les dents ; une jeune fille à la coiffe tibétaine traditionnelle, rose fuchsia sur ses cheveux très noirs nous a souri en passant. Un attelage étrange composé d’un rickshaw cycliste tiré par des chiens « presque loups » nous a fait rire. Les joues de tous ces gens sont très roses, presque couperosées, mais aucun d’eux ne semble souffrir du froid comme nous. L’Indochine nous a fait mal de ce côté-là : nous avons perdu toutes les défenses immunitaires naturelles des étudiants strasbourgeois que nous étions !

Paysages culturels

Une fois dans le bus, le froid est tout aussi persistant... À côté de nous, les femmes sont habillées de pantalons de toile rugueuse recouverts d’une longue robe de feutre. Sur cette dernière, un tablier coloré à rayures complète l’armure contre le froid. Devant nous, un moine, à l’allure très moderne avec sa longue robe pourpre recouverte d’une veste de soie doublée, n’arrête pas de converser avec son téléphone portable. Ses chaussures de marche à la dernière mode semblent mieux adaptées que les nôtres à ces latitudes. Décidément, notre garde-robe n’est pas du tout adaptée à ces conditions extrêmes !

Mais le paysage finit heureusement par capter toute notre attention. Après les grandes plaines jaunes et pelées des alentours de Zhongdian, une succession de petits villages de montagnes s’égrène sur la route. Les toits de tuiles retroussés et bien entretenus, répondent gaiement aux arbres recouverts de petites fleurs blanches à l’odeur de miel qui fleurissent même à ces altitudes élevées.
Des hommes et des femmes marchent seuls le long de la route pendant des heures, seulement accompagnés de leur yak.
D’énormes ballots de paille les enveloppent, leur donnant une allure plus qu’étrange, vus de dos. Parfois, c’est un groupe de jeunes filles en file indienne, portant des ballots plus lourds, mais plus compacts, que notre bus dépasse.

Plus tard, nous longeons une gorge grise, au fond de laquelle l’eau turquoise tourbillonne sans grande grâce. Notre bus s’arrête brusquement. Une file de voitures inhabituelle forme un bouchon dans ces territoires peu fréquentés à l’accoutumée. Nous sortons tous, un peu curieux de savoir ce qui se passe. L’explication est surprenante : quelques centaines de mètres plus loin, on tourne une publicité pour une voiture, une Honda noire, à l’allure sportive.

Toujours plus haut

Mais la pause ne dure que quelques minutes et c’est reparti. La voiture est rentrée dans son camion et les distances entre les véhicules s’élargissent à nouveau jusqu’à nous redonner l’impression d’être seuls au monde au cœur de ces montagnes que l’on n’a de cesse de gravir. Peu à peu, le paysage change. Les sommets deviennent visibles. Et s’enneigent rapidement.

Emmanuel me dit qu’on va passer un col. Il est sûr que nous sommes à plus de 4000 m. Je ne le crois pas... Ce n’est pas possible : 4000m et des poussières, c’est notre Mont Blanc national et ici il y a tant de montagnes autour de nous qui ont l’air plus élevées que ne l’est notre petite route en lacet !
Mais comme souvent, Emmanuel avait raison : juste avant de quitter le paysage époustouflant de ces sommets enneigés en cascade (que nous n’avons pas photographiés...), nous avons passé un col à 4220 m : c’était écrit sur le panneau !

Dejin, sans charme et perdue dans sa montagne

La descente vers Dejin est un tout petit moins photogénique, mais elle nous permet de faire la connaissance des quelques autres Occidentaux qui seront à Dejin avec nous ce soir. Un couple de Hollandais : le garçon finit un stage en Chine et sa fiancée l’a rejoint pour quelques semaines de voyage (on en voit beaucoup des profils comme celui-là), et un Singapourien qui travaille à la bourse, accompagné de son ami Sino-Allemand.
Demain, nous partirons avec eux dans un minibus que nous aurons loué ensemble puisque le service de bus public pour le glacier a cessé cette année... faute de touristes ?

Dejin, contrairement à Zhongdian, dont nous n’attendions rien, nous a déçus.
Sûrement parce qu’à contrario, nous en attendions beaucoup, trop peut-être.

Et toutes ces heures de bus à l’attendre y sont sûrement pour quelque chose.
La ville-rue, petite sans vraiment de charme, est encaissée dans un repli de montagne. Le soleil s’y retire tôt et y arrive tard. Les bâtiments majoritairement sont post-industriels.
Les petits restaurants, par contre, sont pléthores et font avec les petites échoppes de fruits et de légumes, la vie de la rue. Les costumes traditionnels sont moins nombreux qu’à Zhongdian, mais au marché, les découvertes étranges sont presque aussi pittoresques. Les têtes de porc et de chèvres s’étalent sur les billots au grand air. Au crochet, des animaux entiers, et tout dépecés pendent en attendant un acheteur.

Partout, on cuit, on mélange et on frit à la demande. Mais nous venons de déjeuner d’un bol de momos - souvenirs de Kalpa en Inde - dans un petit resto dans la rue et nous n’allons pas nous laisser retenter si vite :)

Une pause dans un de nos « petits bouts du monde »

Manu a une de ces intuitions que je ne comprends pas tout de suite, mais je le suis. Il pense que si nous suivons la route en lacets à l’ombre, et sur laquelle de rares, mais dangereuses voitures nous croisent à contre sens, nous aurons la chance de tomber sur un paysage à couper le souffle. Les lacets se succèdent sur cette petite route de bitume et le soleil est déjà proche de se coucher (et moi de faire demi-tour, excédée), quand soudain, au détour d’un énième tournant, le paysage d’un seul coup se révèle. Nous montons un peu plus haut dans la pente pour nous protéger efficacement des éventuelles camionnettes de passage, et profiter des derniers rayons du soleil. Face à nous, une série de glaciers plonge dans une vallée vert tendre, au creux de laquelle un petit village se laisse vite absorber par l’ombre grandissante des montagnes. J’ai trouvé de la crème à l’huile de serpent ( !) à m’étaler sur le visage pour combattre le dessèchement que le froid ne manque pas de produire sur nos peaux trop habituées à la chaleur et l’humidité de Bangkok, de Saïgon ou de Phnom Penh. Ça fait du bien.
Après tant d’heures de bus, nous avons enfin l’impression d’arriver à un des petits « bouts du monde », comme on les aime.

En rentrant à l’auberge ce soir, on se rendra compte qu’un Français supplémentaire est arrivé en début de soirée en ville. C’est Guillaume qu’on va suivre un petit bout de temps avant de le laisser s’échapper vers l’Australie, terre de ses rêves à la conquête d’une vie nouvelle...

Le plus bas glacier du monde...

L’excursion du lendemain est... une excursion.

Pour rejoindre le « glacier le plus bas du monde », nous longeons quelque temps le Mékong. Enchâssé tout au fond de sa gorge, il est tout petit et tout boueux. Je suis surprise de ne pas reconnaître ce fleuve qui nous a accompagnés tout au long de notre périple en Indochine, depuis Luang Prabang jusqu’à Saïgon...
Par contre, même si je suis évidemment très contente de voir un glacier de près et que la petite randonnée qui nous y amène est agréable, je ne peux pas dire que cette journée restera dans les annales de mes souvenirs de Chine. Les cratères de glace sont saisissants c’est sûr, et les grondements réellement impressionnants lorsque l’un deux se désolidarise du tout. Mais, à cause de la saison, du fait qu’il s’agit du plus bas glacier du monde (2700 m) ou bien du réchauffement climatique, autour et au pied du glacier, tout n’est que fleurs et feuillus bien verts. J’ai l’impression de faire une petite promenade de santé dans les basses Alpes et ce n’est pas exactement ce que je suis venue chercher au prix de tant d’heures de bus... passées et à venir !...



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