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Un marathon logistique ordinaire
Le 18/04/07


Aujourd’hui, nous sommes à Pékin.
La capitale de l’Empire du Milieu. L’Extrême-Orient plein de légendes. LA ville du moment, à laquelle il faut s’intéresser pour comprendre le monde.
Et patati et Patata.

Mais nous sommes en voyage au long cours, et nous avons d’autres chats à fouetter. Parce que ça n’y parait peut-être pas, mais notre quotidien est fait d’une logistique complexe aux rouages, malheureusement pas encore tout à fait bien huilés.
À chaque fois, dans chaque pays, dans chaque ville, dans chaque hôtel, il nous faut en effet réinventer tous nos gestes quotidiens.

Réveil en sursaut

6 h
Réveil en sursaut. On a l’impression qu’il est 10 h du matin : la chambre est baignée de lumière... Ah oui, c’est normal : nous venons de changer d’hôtel et de ville une fois de plus. Ici, le soleil se lève à 5 h du matin, près de 2 h plus tard qu’il y a une semaine à peine dans le Yunnan.

7 h
Réveil. Réveil. Réveil. RÉVEIL !
Ah oui, le réveil, c’est vrai, il est temps. L’eau n’est chaude que de 7 h 30 à 8 h 30 dans cet hôtel et il serait dommage de louper le coche. Nous petit-déjeunons de nos achats de la veille au soir, faits au hasard d’une rue comme d’habitude dans ce qui ressemble le plus à une boulangerie. Aujourd’hui, nous avons des fragments d’une énorme crêpe de plus d’un mètre de diamètre, que le cuisinier a fait devant nous, du thé d’Oolong, celui qu’on a acheté « pour faire chinois » dans les trains, et quelques énormes confiseries étranges, pâteuses et toutes plus surprenantes les unes que les autres, achetées dans une échoppe l’avant-veille.

8 h
Je suis dehors. Un sac de linge sale à la main. En changeant d’hôtel hier, on ne s’est pas rendu compte que notre nouvelle « maison », un hôtel pour Chinois, et non une auberge de backpackers comme la précédente, n’offre pas de service de « laundry ». Je file donc vers notre précédent hébergement plus haut dans la rue et invente une excuse bidon en suppliant la réceptionniste qui se souvient de moi de prendre mon linge au tarif attractif de l’hôtel. Elle accepte finalement, sûrement grâce au fait que nous avions fait une excursion avec eux l’avant-veille (le fameux « secret wall » que tu reconnaîtras Alice).
Ouf. J’en profite pour lui demander d’autres renseignements en vitesse : notre journée va être longue et un petit coup de pouce n’est jamais de trop.

8 h 30
Je suis à l’internet café que j’ai quitté à minuit la veille pour vous pondre deux articles de rattrapage... Ma mission si je l’accepte est de trouver en moins de 20 minutes (20 minutes=1yuan) l’adresse de l’endroit unique à Beijing, où nous serons en mesure d’acheter le Japan Rail Pass, dont nous aurons besoin dès notre arrivée au Japon, dans moins de 48 h. Mais l’internet ici n’est pas le même que chez nous... et la navigation entre les pages censurées n’est pas toujours des plus évidentes.

9 h
Je m’en sors de justesse au moment où Emmanuel me rejoint. Nous réussissons à repérer sur le plan imparfait de notre guide de fortune qui est en train de tomber en morceaux, la rue dans laquelle se trouve notre miraculeux délivreur de pas. (Il est en effet impossible d’acheter ces fameux pas au Japon).
Manque de bol, la rue, en périphérie du centre, semble faire plusieurs kilomètres de long. Enfin, on verra bien.

En route

10 h
Sur le chemin du métro, je m’achète enfin un jeans. Le pantalon « trouvé » à Chengdu ne me seyant décidément pas, et celui emporté en septembre étant décidément trop taché d’huile de moteur pour être porté en ville. Emmanuel cherche encore à remplacer son unique polo qui commence, après 6 mois d’usage intensif, à paraître lui aussi bien fatigué.

10 h 30
Ça y est, Manu est lui aussi tout de neuf habillé (enfin le haut).

11 h 30
On sort du métro, à l’autre bout de la ville, dans un paysage de tours résidentielles et de petits chariots de maïs bouilli, et de rickshaw recouverts de velours rouge. Ici, nous sommes définitivement les seuls Européens que nous croisons. Nous tentons tout d’abord la marche à pied, mais nous nous rendons vite compte qu’à ce rythme-là nous n’atteindrons la rue fatidique que dans une bonne heure. Le métro à Beijing ne dessert en effet que très impartialement les quartiers de la capitale.
Un taxi qui patiente dans une contre-allée nous fait de l’œil. Allez ! En taxi, ce n’est pas si loin, et, si jamais le bureau de l’ANA ferme à midi, nous avons ainsi peut-être une petite chance d’y arriver avant...

La chasse au trésor commence...

12 h
Le taxi a pété les plombs. Emmanuel aussi.
Emmanuel est légèrement transformé par nos expériences indiennes et vietnamiennes et soupçonne (souvent à raison) la plupart des conducteurs de taxi ou rickshaw, qui ont accepté sans discuter la course au compteur, de vouloir nous balader dans la ville afin d’augmenter la course. Il suit donc du mieux qu’il peut sur le plan notre parcours dans la ville. Cette fois-ci en l’occurrence, il a raison de le faire parce que le taxi ne va pas du tout là où on lui a demandé d’aller.
Mais cette fois-ci, je suis sûre que nous n’avons pas affaire à un arnaqueur.
Il n’a juste pas compris.
Il suffit de le voir se frapper la tête sur le volant quand, au moment de nous lâcher devant un bâtiment inconnu, dans un quartier situé à l’opposé de la rue dans laquelle on désire se rendre, je le regarde avec commisération, et sors du taxi d’un air désespéré.
Il ne nous fera pas payer cette première course désastreuse, il nous le promet.
« sorry sorry sorry... »
Bon, si c’est comme ça... On remonte donc dans le taxi en épelant à plusieurs reprises le nom de la rue le plus distinctement possible. Il semble nous comprendre, mais reste désespéré.
« maiilo » qu’il ne cesse de répéter (Alice, si tu comprends tu es priée de traduire !)
J’imagine qu’il tente de nous expliquer que notre requête d’aller au numéro 5 de Dong San Huan Bei Lu n’est pas si évidente que ça... Et en arrivant sur le boulevard-périph énoooorme qui est en réalité la petite rue que nous espérions, il comprend enfin le dilemme.
De désespoir et lassés par ses exclamations de désespoir répétées, nous sortons en hâte du taxi.

12 h 30
Nous avons déjà interrogé 3 personnes et n’avons obtenu aucune information intéressante. Les seules qui parlent anglais sont les propriétaires d’une boutique d’optique, située au rez-de-chaussée d’un énorme bâtiment des années 80. Et non, désolé, ils ne savent pas à quel numéro ils habitent.
Notre adresse ?... Attendez, ah oui, elle doit être écrite sur notre carte. Regardons.
Euh nous sommes au 6. Au 6 de « Dong San Huan Bei Lu » ?
Oui oui.
Bon, on ne doit plus être très loin alors.
Manque de bol, ya pas de 5 à côté de chez eux. Y a que des bâtiments résidentiels avec des numéros tout fous : le 13, le 53, puis le 12 et encore le 7.

Bon, du calme.

13 h
Nous sommes maintenant devant le Fortune Plaza à un 1km de là.
Nous étions passés en taxi devant et j’avais tilté. L’adresse complète de l’agence que l’on cherche c’est : « ANA c’est 1st floor, « Beijing Fortune Building », 5 Dong San Huan Bei Lu ».
Ce bâtiment est donc peut-être celui que nous cherchons. Nous interrogeons alors la réceptionniste, seule au milieu de son immense lobby de marbre. Elle est gentille et voudrait bien nous aider. Elle nous fait même éplucher le listing de toutes les entreprises qui habitent cette énorme tour.
Mais non, d’ANA, au « Fortune Plaza », il n’y a point de traces.

On continue notre micro-trottoir au petit bonheur la chance. C’est l’heure du déjeuner, ça nous sert un peu. Mais personne ne semble avoir jamais entendu parler ni de numéro 5, ni de « Beijing Fortune Building ».
C’est le Fortune Plaza, le seul qu’ils connaissent, qui doit être le bon, non ? !
« Et non. »
« Mince alors... Bon, ben, bon courage quand même ! »
Cela dit, tout semble aller si vite à Pékin que c’est peut-être possible. L’ANA a peut-être disparu, déménagé, le « Beijing Fortune Building » a lui-même peut-être été remplacé par le Fortune Plaza, les rues ont peut-être changé elles aussi, et le quartier a, qui sait, peut-être été entièrement redessiné.
... Tout a l’air si neuf, partout ! Où que l’on cherche du regard, ce n’est en effet que buildings de verre et d’acier, chantiers d’architecture moderne et tours qui grimpent le plus haut possible dans le ciel. L’avenue elle-même est en pleine mutation.

La force tranquille de Manu

13 h 30
Après avoir visité une tour voisine, je désespère. La situation me semble désormais sans issue.
Mais, au moment de décider de faire demi-tour et de rentrer sans même plus tenter de trouver de logique à tout ça, nous nous rendons compte que nous sommes allés trop loin vers le sud puisque le tronçon de périf sur lequel nous cherchons ne porte plus le nom de « Dong San Huan Bei Lu », mais s’appelle « Dong San Huan Zong Lu » !
Une petite différence à l’oreille qui est une énorme révélation pour nous.

Mais, pourquoi mon Dieu, les gens que nous interrogeons ici depuis près d’une heure ne nous l’ont-ils pas fait remarquer quand je leur ai demandé avec précision si nous étions bien au bon endroit ??

14 h
On marche. Vers le nord.

15 h
Il fait chaud, mais on a l’impression d’être au cœur d’une tempête de neige : des milliers de boules de pollen, grosses et légères comme des balles de coton flottent dans l’air et se déplacent à grande vitesse sur le bord des avenues où les courants d’air sont plus puissants. J’ai le nez qui pique, les yeux qui « ont mal ».
Et les jambes en compote, mais bon, pour ça on est deux.
On a demandé à de nombreuses autres personnes depuis le Fortune Plaza. Et aucune n’a pu nous aider.

Nous avons petit à petit compris comment le système de numérotation fonctionnait, avec des sous-numérotations par groupes de bâtiments d’un même promoteur (une cité résidentielle, un ensemble de tours de bureaux, etc.). Mais les distances sont tellement grandes ici qu’il est difficile de ne pas perdre le fil.
Nous avons donc suivi l’instinct de persévérance légendaire d’Emmanuel : les petits numéros sont au nord ou à l’est à Pékin généralement, et c’est donc là qu’on trouvera le numéro 5.

La dernière personne que l’on sollicite, un concessionnaire de très belles voitures (et il en faut à Pékin avec tout l’argent qui se fait par ici), nous indique, après 3 coups de fil et avec un grand sourire de confiance la « bonne direction ». Il nous faut prendre un taxi parce que c’est très loin vers le sud. Il nous désigne, une fois de plus et comme tous les autres, le Fortune Plaza.

Arghhhhhhh !

Heureusement qu’Emmanuel est là parce que nous continuons quand même vers le nord, contre vents et marées.

À 500 m de là, le numéro 5 trône un peu en retrait de la rue et des deux chantiers voisins qui l’entourent.
Il s’agit bien du « Beijing Fortune Building ».
C’est un miracle.

Nous nous délestons, presque avec soulagement d’une somme coquette d’argent (qui monte en un seul geste notre budget du Japon à 40 euros/jour d’un coup, sans même avoir encore trouvé où dormir, quoi manger, ni quoi visiter !).

Pouce !

16 h
Nous sommes de retour au centre-ville, nous n’avons encore pas déjeuné, mais nous sommes au pied de l’immense book store dans lequel on nous a promis qu’on pourrait trouver notre guide du Japon.
Well, des guides il y en a effectivement quelques dizaines en anglais au cœur de la marée de bouquins chinois, mais sur le Japon, non, rien de rien.
La haine ancestrale qui sépare les Japonais des Chinois serait-elle si tenace qu’elle atteigne même le rayon des guides de voyage ??

17 h
On a craqué. On est descendu dans le sous-sol du mall voisin pour aller déguster un kilo de riz au bœuf en sauce.
Du coup, Emmanuel ne peut presque plus marcher tellement son allure de femme enceinte l’handicape !)

17 h 30
On a enfin trouvé les guides du Japon et de la Californie. Pour Hawaï, on se débrouillera sans. Dieu que c’est cher, ces guides, quand on ne les échange pas dans des guesthouses !!

18 h 30
On succombe à la folie qui semble avoir pris des dizaines de Chinois à l’entrée d’un petit magasin de breloques qui brade ses prix. Et on sort les bras chargés d’objets clins d’œil de pacotille qui nous tiendront lieu de souvenir à notre retour.
Nous sommes sur les rotules.

19 h 30
Enfin de retour à l’hôtel, nous nous accordons une petite heure de repos, avant de commencer notre journée de travail « au bureau ».
J’ai pris 4 h d’internet ce soir, c’est rattrapage...

Demain, le réveil sonnera à 6 h : je dois être à la poste à l’ouverture à 8 h afin d’envoyer notre 6e colis à mes chers petits parents.

Plus jamais, jamais au grand jamais je ne le promets, je ne songerai à critiquer une femme au foyer !!
Dieu qu’une journée de bureau ordinaire me parait calme et reposante dans ma mémoire, en comparaison avec ce marathon ordinaire et si peu valorisant de nos « journées de logistique »...



Ca discute...

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