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Pékin, coté populaire
Le 18/04/07

Un peu décalés

Arrivée à Pékin en train de nuit depuis Shanghai pour ne pas changer...
Sauf que cette fois nous ne sommes pas en « sleeper ». Les seuls billets qu’on a en effet réussi à obtenir sont en « classe supérieure assise », mais à vrai dire, ce n’est pas plus confortable qu’une seconde classe en France, et la lumière ne s’éteint même pas !
Cette nuit-là sera donc mauvaise. Emmanuel, généreux comme à son habitude, passe en outre une partie de la nuit à supporter les aller et retour d’un mari et de sa femme qui se partagent leurs deux sièges à l’arrière pour dormir plus confortablement, en s’installant sur le siège vide voisin d’Emmanuel... qui n’a du coup aucun loisir d’en profiter lui-même...
Pas étonnant qu’il soit donc exténué à l’arrivée !...
Du coup, on n’a pas tôt fait d’arriver à la guesthouse qu’il s’effondre sur le lit de notre misérable dortoir et s’endort jusqu’à midi.
- moi aussi au fait, mais c’est juste pour l’accompagner -

Cette première matinée au lit est un peu à l’image d’une bonne partie de notre voyage en Chine ; un peu décalé, un peu fatigué, un peu à côté du rythme ordinaire de la vie...

Mais contrairement à ce que l’on attendait d’une grande ville chinoise de plus (comme Kunming, Chengdu, Xi’ an, Gangzhou, Shanghai ou encore Hong Kong), Pékin va nous charmer véritablement.
Pas par petits bouts comme Shanghai.
Pas par sa grandeur et sa folie comme Hong Kong.
Mais par la sensation que cette ville est profondément vivante depuis longtemps. Et qu’elle traîne derrière elle une histoire qu’elle n’a pas encore totalement réussi à effacer (ça ne va pas tarder, on ne s’en fait pas pour ça...)

La marmite dans la rue

Le quartier dans lequel est situé notre première guesthouse, au sud de Tiananmen Square est très animé.
Mais pas de cette folie commerçante policée qui entoure les grands buildings et les malls piétons en plein air des nouvelles capitales économiques de la Chine.
Non, on retrouve ici le bourdonnement de la vie d’un cœur de quartier populaire, comme ceux qu’on a déjà aimés à Hanoï ou à Singapour.
En plus, des dizaines d’échoppes de fruits, et centaines de petits restaurants, on est entouré ici, de marchands de rue qui font cuire leurs brochettes de tentacules de calmar ou de saucisses - presque de Francfort. Là, ce sont des galettes rondes et petites, pleines d’herbes à l’intérieur et encore dégoulinantes de friture à l’extérieur. Plus loin, des vendeurs de yaourt à la paille me séduisent toujours.
J’aime aussi ces énormes étalages de brochettes crues de toutes les viandes possibles et imaginables, de toutes les formes de légumes verts que l’on trouve encore par ici, et qui attendent le client sur le bord du trottoir. Le cuisinier s’affaire toujours autour de sa marmite de bouillon fumant et de son wok rempli d’huile de friture grésillante, et si jamais, un homme vient à s’attarder, hésitant devant son étalage extraordinaire, il se met tout de suite à le presser de choisir telle ou telle brochette qui est certainement la meilleure pour lui.

De manière générale, cette brusquerie des commerçants chinois qui nous pressent comme s’ils nous donnaient des ordres nous a souvent irrités, voire énervés. Mais aujourd’hui, dans le Japon très policé dans lequel nous nous trouvons, j’y repense presque avec émotion...
Dieu que les Chinois sont « vivants » !
À Pékin, dans ces quartiers populaires, on les retrouve en effet un peu comme au sud-ouest de la Chine, bruyants, crachants, criants, mais aussi riants de manière incontrôlable.

Quartiers populaires

Notre première visite dans ces vieux quartiers, comme toutes celles qui ont suivi, s’est faite complètement au hasard.
Souvent même, nous nous sommes perdus pour de vrai, dans ce dédale de ruelles, à toutes les heures du jour et de la nuit. Mais jamais nous n’avons senti la moindre gêne, le moindre sentiment de peur. Et pourtant, sur le plan strictement architectural, il y avait de quoi se sentir pris au piège.

Ces anciens quartiers sont, en effet, composés de petites ruelles, toujours un peu « tournicotantes » et pleines de chicanes. Si les bâtiments sont relativement bas, puisqu’il me semble qu’ils n’excèdent jamais un niveau, aucune fenêtre ne vient pourtant jamais percer ces murs aveugles, créant de fait, un certain sentiment de claustrophobie.
Seules quelques rares échoppes - celles du boulanger qui fait son pain devant nous par exemple - et de petites doubles portes, parfois remarquablement ouvragées, percent ces longs murs gris. Souvent, alors qu’elles étaient ouvertes, notre regard s’est glissé à l’intérieur des passages étroits, sombres et encombrés sur lesquelles elles donnaient.
Mais très rapidement, notre inspection visuelle était freinée par le mur aveugle d’un bâtiment intérieur sur lequel le petit passage buttait et tournait.
Je me suis aventurée une fois ou deux, de manière tout à fait indiscrète dans ces petits complexes résidentiels privés. Ce que j’y ai aperçu rapidement m’a fait découvrir un aspect urbain de la Chine complètement à l’opposé de ce que les coeurs de ville contemporains, si largement dimensionnés, nous racontent.
À l’intérieur de ces « mini quartiers », qui tournent le dos au « grand quartier », un groupement de 3 ou 4 maisons basses, très serrées les unes contre les autres (les rebords de leurs toits se touchant presque), et perpendiculaires à la ruelle principale, est entouré sur ses 4 côtés d’autres corps de bâtiments de la même hauteur. Les toits, au faîtage traditionnellement arrondi, sont d’une élégance toute particulière comparée au bricolage permanent qui semble présider à l’arrangement de ces ruelles intérieures.
Des hommes et des femmes de tous les âges et de toutes les classes sociales semblaient à première vue entrer et sortir de ces petits groupements d’habitation traditionnels. Dans une librairie, un peu plus tard, j’apprendrais que ces sous-ensembles autonomes et repliés sur eux-mêmes servaient traditionnellement à abriter plusieurs générations d’une seule et même famille, les grands-parents occupant de manière générale le bâtiment central qui possédait les « plus grandes » chambres. Pour autant, même avec les plus grandes chambres, ça ne devait pas être le confort absolu, puisqu’il me semble que les sanitaires ne sont toujours pas inclus dans ces anciennes « grandes maisons ». En effet, nous avons croisé presque à chaque coin de rue, des sanitaires publics (odorants) et clairement indiqués.

Aujourd’hui, je ne sais pas si le modèle traditionnel est encore valide, la politique de contrôle des naissances ayant eu un effet très restrictif sur la taille des familles élargies. Mais ce qui est sûr, c’est que, si le modèle sociologique de la « grande famille » est en perte de vitesse, l’habitat traditionnel qui l’abritait est lui aussi très certainement menacé.

Je parlais tout à l’heure de sentiment d’insécurité, mais ce n’est pas seulement la composition labyrinthique des quartiers qui en est à l’origine. L’état de décrépitude avancée de ces constructions, dont des pans entiers ont déjà à moitié été rasés par des bulldozers, peut, lui aussi, être effrayant.
Surtout de nuit.

Je me souviens d’un soir...

...Où nous étions à la recherche d’un restaurant de canard laqué, et où, pour ce faire, nous étions descendus du métro une station plus tôt que d’habitude. Bien sûr, nous nous sommes rapidement perdus, tant les différences entre le plan dont nous disposions et la réalité du Pékin aujourd’hui, étaient énormes. En nous orientant grossièrement à travers la ville, nous avons donc décidé de filer tout droit, afin de rejoindre notre quartier. Nous avons alors « coupé à travers chantiers », au cœur d’anciens quartiers en complète restructuration.
(Les Jeux olympiques de Pékin approchent en effet à grands pas, et je ne serais pas surprise qu’au cours des quelques 500 jours qui leur reste avant l’ouverture, ils trouvent encore le temps de tout raser et de nous reconstruire une de ces fausses vieilles villes léchées et commerçantes, dont ils ont le secret, à la place même des vieux quartiers résidentiels...)
Toujours est-il que, ce soir là, une énorme tranchée ouverte courait maintenant à côté de ce qui avait dû être une toute petite rue. Des demi-maisons éventrées offraient un spectacle désolant au passant sous la lumière blafarde des quelques ampoules suspendues. Le plus étrange peut-être, c’est qu’au milieu de tous ces gravats, la vie semblait continuer comme si de rien était. Des mamans zigzaguaient sur les cahots de la petite rue abîmée, les deux mains fermement accrochées sur le guidon, tandis que leur « petit roi » se laissait tranquillement guider à l’arrière. Des hommes entre deux âges jouaient à l’entrée encore animée de la rue au jeu de dame chinois. Et les vendeurs de soupe et de chausson à la vapeur faisaient à cette heure-ci, de bonnes affaires.
Mais pour combien de temps encore ?

Dans ces quartiers, où on nous regardait avec surprise, et parfois avec amusement, au cœur même de Pékin, nous nous sommes à nouveau vraiment sentis en voyage, à l’autre bout du monde, là où les codes ne sont plus les mêmes, là où il est encore possible de se perdre dans des mondes qui sont si loin des nôtres...



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