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Débarquer en America de Sur
Le 07/06/07

Débarquer en America del Sur

Welcome back home...

Cette fois, je ne me donnerai pas la peine de faire un mémo.
Parce que pour la première fois nous avons arrêté de courir et les jours ont passé les uns après les autres, sans que rien de particulier ne puisse les distinguer les uns des autres.
Ça fait longtemps que nous avions envie ou besoin d’une pause, mais il nous a fallu attendre de dépasser les pays « riches » pour vraiment pouvoir nous poser sans remords financier.

Notre arrivée à Quito en Équateur après un long vol en deux étapes depuis Los Angeles, nous a fait un choc. C’est un peu comme si nous retournions à la maison...
... mais avec un siècle d’avance !
L’odeur des vieilles pierres dans les rues de la vieille ville, les rues en pente et les perspectives sur les églises espagnoles, les petites silhouettes des vieilles femmes portant un châle sur leurs épaules rabougries, les enseignes en espagnol si facile à comprendre, et les lainages un peu usés des enfants qui nous sourient sous les porches, tout cela avait un parfum de Sud de la France.
Un léger parfum d’Angoulême, la ville de ma grand-mère.

Notre hôtel surtout, ce petit immeuble coincé sur les hauteurs de Los Rio avait une odeur d’un autre temps. Après le gigantisme à l’américaine, cette petite maison recouverte de tapisseries à fleurs si bien datée déjà, de miroirs aux cadres dorés en métal ouvragé, et de photos de la vierge dans l’escalier très sombre et très étroit nous a fait changer de planète. Les petits napperons brodés sur la table de la salle à manger-cuisine un peu trop petite, le vernis de tous les meubles en bois et le coté amusant des petites vitrines mettant en valeur des collections de figurines en porcelaine, tout cela me semblait familier et rassurant à la fois. C’était un peu comme se retrouver en vacances d’été après un an d’école et de découvertes incessantes.
Sous le ciel souvent gris de la capitale colombienne, sur la petite terrasse où nous prenions notre petit déjeuner les jours où il ne pleuvait pas, la grande basilique en face de nous, et les quartiers résidentiels qui grimpaient le long des collines, il a fait bon se poser un peu.

Si si, yo hablo español un poco

Une des raisons principales qui m’ont poussée à être aussi relax avec l’emploi du temps (ce n’est un secret pour personne : je suis celle qui pousse toujours un peu au départ...), c’est qu’ici en Équateur, il est possible de prendre des cours d’espagnol pour vraiment pas cher.
Or, en ce qui me concerne parler espagnol, au moins le parler un tout petit peu, est une véritable priorité : il ne nous a en effet pas fallu longtemps pour nous rendre compte qu’en Amérique latine, l’anglais était lettre morte et que sans l’incontournable « dialecte local », l’espagnol, il allait être très très difficile de manger, de boire ou même de dormir correctement.
Je crois que quelque part c’est pire qu’en Chine, dans la mesure où en Chine au moins, les Chinois ne s’attendaient pas naturellement à nous voir parler chinois. Un langage composé de mimiques et de regards entendus se développait rapidement, et l’entente était alors possible.
Ici, avec notre tête d’Européen, il semble évident à tous que nous parlons nous aussi l’espagnol !

Or Emmanuel, dont la dernière révision d’espagnol remonte au lycée, n’était pas encore tout à fait au point pour relever au quotidien le défi imposé. Il a donc bien fallu rapidement m’inscrire pour des cours particuliers, « à la maison ».
A raison de 10 dollars les deux heures, un jeune fort sympathique est donc venu m’enseigner sa langue maternelle à la vitesse de la lumière, dans la minuscule salle à manger de l’hôtel. Il habite le quartier, a 24 ans, et est politiquement engagé (vous devriez voir les exemples de mes exercices de grammaire !).
En tous les cas, j’admire sincèrement son courage et sa patience... Que ce doit être ennuyeux toutes les semaines de recommencer, « yo soy, tu eres, el es »... et de se retrouver face à des vieux étudiants au cerveau tout rigide !

Ainsi donc, malgré mon cerveau tout vieux et plus du tout adapté à l’apprentissage des langues, j’ai survécu à cette semaine de cours intensif et je suis maintenant capable de baragouiner quelques phrases au passé, au présent et même au futur, ce qui nous permet de survivre au quotidien.

Au bout de trois jours de cours, lors de la visite du musée de Guayasamin, nous avons même réussi à suivre une visite guidée tout en espagnol ! S’il faut avouer que la guide ne parlait que pour nous et qu’elle se concentrait sérieusement pour ralentir son débit, notre fierté à la sortie du musée était immense...

Et maintenant que nous avons enfin réussi à partir de Quito, c’est la télé qui le soir, tente d’entretenir et même d’élargir nos maigres connaissances.
Je me rappelle toujours de ma maman qui a appris à parler allemand en regardant Dallas, et je me dis que je suis sur la bonne voie !

Si tu t’arrêtes, t’es mort

Si nous avons eu tant de mal à partir de Quito, ce n’est certainement pas à cause de l’atmosphère d’orage qui fait ressortir avec tant d’éclat les collines vertes entourant la ville.
C’est parce qu’une fois de plus, quand le rythme ralentit, nous tombons malades.
Enfin nous.
Quand c’est sérieux, Emmanuel a souvent l’honneur de commencer, et en fanfare.
Je me rappelle de la fois où, dans la jungle en Inde, j’ai cru qu’il allait passer l’arme à gauche tellement sa température est montée vite. Il y avait aussi cette semaine de rhume grippal en Chine, où il était tout faible.
Et il y a eu finalement la semaine dernière.

Ça a commencé de manière anodine le soir de mon anniversaire. Après mon cours d’espagnol, je l’ai rejoint en ville où nous devions aller voir un spectacle de danse espagnole au « Café libro ». Manque de chance, nous sommes arrivés un peu trop tard (après nous être perdus) et la salle était déjà comble.
L’air était humide et nous avons marché donc, un peu désemparés, le long des ruelles désertes qui nous ramenaient vers le centre de la nouvelle ville animée.
Nous nous sommes posés dans un café donnant sur la rue, deux cocktails à la main, histoire de ne pas se laisser abattre. Je me rappelle maintenant qu’il a dit avoir un peu froid... Plus tôt dans la soirée, en courant vers le café libro, il avait en outre avalé en 4e vitesse un hamburger dans la rue.
Je ne sais toujours pas si c’est le froid, le hamburger, ou tout simplement le fait de se poser enfin quelque part qui a perturbé mon homme, mais une chose est sûre : en rentrant le soir de mes 28 ans à la maison, il était tout vert et rouge.

Vert de mal au ventre, et rouge de fièvre.

Jusqu’à hier, je dois vous avouer que j’ai eu un peu peur. Parce qu’il ne se contente pas d’être vert et rouge, Emmanuel. Il se vide à la vitesse de l’éclair. Or maintenant qu’il est déjà tout mince, le voir fondre plus encore, en l’espace de quelques jours, m’a vraiment secouée.
Malgré la quantité industrielle de riz que je lui ai fait cuire, les régimes de bananes que j’ai essayé de lui faire avaler, il se trouvait toujours un petit ingrédient de trop, qui le soir venu le faisait ressortir de la salle de bain pâle comme une ombre...

Nous pensions avoir tout essayé, l’antibiotique générique que nous transportons toujours avec nous, l’imodium bien sûr, les solutions de réhydratations achetées à prix d’or à la pharmacie, les antibactériens de la pharmacienne de Quito...
Mais il nous manquait notre médicament miracle. Celui qui en Inde l’a remis sur pied en quelques heures et que nous avions fait durer jusqu’en Chine.

Par chance, c’est à Latacunga, la petite bourgade qui nous héberge depuis avant-hier que nous avons trouvé la solution miracle. Un petit comprimé blanc qu’on achète au prix du lingot d’or, mais qui sauve les cas comme celui d’Emmanuel...

Une randonnée d’acclimatation...

Si moi aussi j’ai été malade, j’ai eu la chance de ne l’être vraiment qu’un seul jour, le lendemain du jour où on a trouvé le médicament miracle.
C’était aussi malheureusement le jour où nous sommes partis pour notre première randonnée en hauteur, une randonnée d’acclimatation comme ils disent ici. Une randonnée entièrement aux environs des 4000 m d’altitude, tout en petites côtes et descentes abruptes, censées nous préparer pour le « once in a life time » 6000 m.*

Heureusement, Emmanuel ce jour-là allait mieux.
... Parce que le destin lui réservait une autre de ses heureuses surprises. Après 3 heures de marche sous un soleil que nous ne sentions presque pas tellement le vent était puissant sur les hauteurs de ce cratère de Quilotoa, nous avons vu venir à notre rencontre un petit troupeau de moutons.
Ce n’est pas le premier ni le dernier que nous croisons depuis que nous sommes partis et il n’y a avait pas lieu de s’inquiéter particulièrement.
La bergère qui accompagnait le troupeau était habillée comme toutes les femmes de la région, et une majorité de celles qui tiennent des petits stands ambulants dans les rues de Quito. Elle portait une jupe de velours rouge foncé, un chemisier que recouvrait un châle de couleur vive. Des bas blancs contrastaient avec ses petits mocassins à talons de cuir (qui produisent toujours un effet très étrange en pleine montagne...). Dans son dos, un bébé était emmitouflé dans un autre châle. Et bien sûr, sur la tête, elle portait ce chapeau de feutre si caractéristique.

Deux chiens accompagnaient le troupeau.
Rapidement, le plus petit des deux, un bâtard à longues oreilles, au poil brun et aux yeux de fou, nous a tourné autour en aboyant puis s’est précipité sur Emmanuel. Il a fondu sur son mollet et, sans qu’il ait le temps de faire un mouvement de défense, mon homme s’était déjà fait mordre.
Pour la première fois de sa vie.

Nous avons eu un peu de mal à nous débarrasser des chiens, des moutons et de la bergère qui n’a pas songé un instant à s’excuser. Il n’y avait pas de bâton à l’horizon, ni même de cailloux à ramasser sur ces hauts pâturages. Et le chien n’arrêtait pas de revenir à la charge.
Heureusement, au bout de quelques secondes qui nous ont paru des heures, la bergère s’étant éloignée avec son troupeau, le chien a arrêté de nous tourner autour en grondant et est reparti en jappant de toutes ces forces.

Emmanuel était tout retourné. Après avoir passé de longs mois à essayer de me persuader que tous les chiens que nous croisons sur notre route étaient « a priori » gentils, le voilà pour la première fois pris au piège de sa confiance naturelle !
Nous avons ensuite examiné le pantalon qui commençait à rougir à vue d’œil à l’endroit où il avait été mordu : par chance, il n’avait pas été troué ce qui signifie que nous n’avions pas « a priori » à nous inquiéter d’une éventuelle infection par la rage. (Pour ceux qui s’inquiètent de toute manière : Emmanuel est vacciné).
La plaie n’était pas belle à voir, mais ça aurait pu être pire : elle était essentiellement superficielle. Ce n’était même pas douloureux...
Mais nous devions être beaux à voir tous les deux par contre. Moi toute pâle de maladie et d’altitude et mon homme blessé ! Surtout que quelque temps après, pour faire bonne mesure je me suis tordue le genou.
Heureusement, il nous reste encore de cette crème indienne miraculeuse**, et j’espère que je serais à nouveau valide dans quelques jours...

Couleurs

Mais l’Amérique du Sud, ce n’est pas que la maladie et les vols (dont on nous parle tout le temps...).
L’Amérique du Sud, celle qu’on a eu le temps de rencontrer jusqu’à maintenant, c’est aussi la force des couleurs.
Les couleurs ne sont pas les mêmes qu’en Inde bien sûr. La lumière non plus.
(Il est impossible, je crois, d’approcher cet éclat si intense des pigments indiens)

Non, ici on devine que les couleurs ont été vives au départ et qu’avec le temps elles se sont un peu éteintes.
L’équateur est plein de ces couleurs passées, écaillées, de ces publicités qu’on peint encore sur les murs comme autrefois en France et qui se superposent parfois les unes aux autres.
Les couleurs que l’on voit par ici certainement pour la plupart étaient criardes au départ, un peu comme ces ensembles vestimentaires éclectiques qui habillent tant de pauvres à Quito. Mais le temps qui a passé et la patine qui les unifie aujourd’hui nous aident à accepter les plus incroyables associations. Le vieux rose qui signe de sa teinte inimitable les murs de la vieille ville de Quito, est la plus mémorable de ces couleurs à mes yeux.

Mais il y a aussi les couleurs qui frappent. Celles qui flashent comme un éclat de culture qu’on ne comprend pas tout de suite, et qui restent gravées dans notre mémoire.

Le rouge Sang des Christs en croix, qui semblent souffrir mille morts dans toutes les églises sur notre passage.

L’Or des bijoux incas et celui des conquistadors sur le plafond des églises outrageusement ornées de Quito.

Le Vert des plateaux cultivés en patchwork jusqu’à 4000 m d’altitude et toujours en pente. Le Vert aussi les dômes en céramique, camaïeux qui éclatent sur le gris du ciel de Quito.

Le Bleu turquoise de la lagune au fond de ce volcan de Quilotoa autour de laquelle nous avons marché pendant 6 h d’affilée « le jour du chien ».

Le Blanc éclatant des constructions coloniales et des cierges qui brûlent par milliers dans toutes les chapelles de la capitale.

Le Noir enfin des cheveux et des yeux, ce noir insondable et lisse unifie tous les habitants de ce continent, et fait de moi, indiscutablement, une étrangère.


(* Je dois être abonnée aux randonnées en état de faiblesse parce qu’en Chine, déjà, j’avais enchaîné une nuit blanche dans la salle de bain sur la randonnée de deux jours dans le Tiger Leaping Gorge... ** qui n’a jamais été testée en laboratoire contre les effets secondaires c’est évident tellement elle est forte)

Voir les photos illustrant nos aventures :
Quito, capitale de l’Équateur
Quito, le reste de la semaine...



Ca discute...

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