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Liberté
Le 08/07/07

Le prix doux et piquant...

Prendre un bus qui a déjà bien roulé, un soir de froid mordant.
S’installer comme de vieux habitués sur nos fauteuils qui ne s’inclinent que le strict minimum. Sortir les duvets et décider d’attacher les maigres effets au rideau avec un cadenas, plus pour protéger notre sommeil que nos sacs du vol.
Choisir de s’endormir avant même que le film hollywoodien doublé en espagnol, mais sans le son, ne démarre vraiment.

Émerger brusquement de sa somnolence dans le froid de la nuit noire, s’affoler de la perte de ses lunettes qu’en tâtant on ne retrouve plus accrochées au cordon protecteur du rideau fatigué.
Se tortiller sous les sièges, fouiller le tapis de poussière sale qui s’est accumulée au fil des ans dans ces endroits qu’aucun balai ne visite jamais. En sortir une casquette argentée, une bague d’homme, et une carcasse de lunettes.
Les miennes. Il leur manque un verre.
Recommencer à fouiller. Cette fois, Emmanuel est réveillé.
Avec un briquet à la flamme tremblante, prendre le risque de s’aventurer entre les chaussures des gros Péruviens qui ronflent derrière nous.
Ne rien trouver et tenter de se rendormir en attendant le matin.

Et puis à nouveau le sursaut. Un arrêt plein de vent, les lumières allumées, les gens qui hurlent. Le fracas des sacs qu’on extrait avec peine de la cale. Le bus qui ne redémarre pas. Les cris exaspérés des voyageurs qui aimeraient, à défaut de pouvoir dormir, au moins « arriver ».
« Bamos »
« Baaa-mos !! »
Le car s’ébranle. Nous sommes tout devant, le pare-brise comme écran panoramique de la route qui s’étire luisante devant nous.
Je suis rassurée.
De la doudoune assoupie derrière nous s’est extrait un homme qui m’a prêté sa lampe de poche pour fouiller plus efficacement la marée noire à ses pieds.
Et j’ai retrouvé mon verre. Même pas abîmé.

... de ma liberté

Réveil avec le soleil.

Tout cela est si normal désormais. La route file dans une brume que nous avions oubliée depuis Lima.
Attendre encore quelques heures, patiemment que les hameaux se transforment en faubourgs, et que la ville approche.
Suivre un homme. Héler un taxi.
Découvrir une nouvelle maison aux parquets claquants. Il n’est pas verni comme celui d’hier.
Se glisser dans une vaste chambre aux murs blancs et aux dessus-de-lit usés.
Nous sommes à la maison.
Naturellement.

Dans les draps frais dans lesquels je me glisse, je suis instantanément chez moi.
Et un énorme sentiment de liberté m’envahit :

Liberté,
de finir cet énorme livre que j’ai commencé la veille.
de rester dans ce lit, cette chambre dont le parquet est si doux à effleurer pieds nus, jusqu’à midi s’il me chante.

Je suis libre.
Libre, ici comme ailleurs, de découvrir une ville, d’apprivoiser une chambre, de me plonger dans un univers imaginaire, de rencontrer ou non des gens des locaux, des backpackers ou les autres,
quand je le veux,
comme je le veux.

Ici, ou ailleurs pour la 150e fois nouvelle dans un univers étranger, une chambre sans fenêtre ou sans eau, une nouvelle maison avec vue sur un sommet ou sur le cactus de la cour, ma liberté de mouvement et de pensée, acquise au fil des mois, m’offre le cadeau de me sentir complètement chez moi.

Je suis libre, et trop souvent je l’oublie.
Je suis libre comme je ne le serai certainement plus jamais.
Je suis libre et à bien y regarder, le prix à payer pour un tel sentiment de liberté n’est vraiment pas élevé.

Et je me remercie pour ce cadeau que je me suis offert cette année, et que trop souvent je n’arrive pas à réellement apprécier.



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