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La vieille dame de Nazca
Le 05/07/07

Nazca, une étape mystérieuse

Nazca, c’était surtout pour nous, une des villes de province dans lesquelles il fait bon s’arrêter entre deux étapes principales. La cote péruvienne est tellement longue et les nuits tellement courtes en bus qu’il faut bien se reposer de temps en temps dans ces quelques oasis qui s’offrent avec parcimonie au cœur de ce désert aride.

Mais Nazca c’est aussi et surtout « les lignes ».
Ces énormes dessins que les civilisations préincas ont laissés en héritage aux archéologues des temps modernes afin qu’ils aient de quoi se creuser la tête pendant plusieurs années. Comment sont-elles arrivées là ? Qui les a construites ? Pourquoi ? Comment ? On nous dit que ces lignes ne sont visibles que depuis un avion, avaient-ils déjà des avions à l’époque ? Ou bien les extra-terrestres seraient-ils de la partie ?...

Contempler le désert pendant des heures

Comme tout le monde nous avons voulu avoir notre mot à dire.
Mais, comme la plupart des Péruviens ne peuvent pas tous s’offrir un petit vol en avion de 30 minutes à 50 dollars par personne (il nous faut économiser pour le Machu Picchu) nous avons opté pour la solution la plus simple pour aller observer ces lignes. En prenant un bus que nous avons fait s’arrêter au pied d’un petit mirador, haut de 3 étages, construit en plein coeur de la pampa, sur la Panaméricaine, nous avons pu observer l’empreinte artistique de 3 de ces grands animaux énigmatiques, imprimée dans le sol si aride de ce désert gris.
Et là miracle : « les mains » (une grenouille en fait), « l’arbre », et le « lézard » ont malgré toutes les affirmations contraires des vendeurs de billets d’avion, bien voulu nous livrer leurs secrets...

La contemplation de ces dessins faits en repoussant simplement les pierres foncées de surface pour laisser apparaître le sol plus clair du désert, il y a des centaines d’années de ça, est vraiment fascinante.
Depuis le mirador naturel à quelques kilomètres du premier mirador « humain » où nous nous étions tout d’abord arrêtés, la complexité abstraite de cette œuvre nous a plus encore interpelés.
Que signifient ces lignes qui s’entremêlent et s’étirent à l’horizon avec une rectitude de mathématicien fou ?

Essayer de comprendre

Afin d’apaiser notre curiosité, et après avoir fait un petit tour au musée du coin, nous avons décidé d’assister à l’une des conférences quotidiennes qui se donnent au planétarium, un bel et riche immeuble du centre-ville.
Seulement cette conférence se donnant à 7 h du soir, nous avons décidé de donner au préalable sa chance à une autre lecture, apparemment alternative, qui se tenait une heure avant.

Après nous être consciencieusement perdus, nous nous sommes finalement retrouvés face à une parcelle de broussailles entourée d’un haut mur recouvert de barbelé enroulé.
Au dessus de la porte de métal, un énorme panneau signalait :
« Maria Reiche Center »
Maria Reiche est la femme qui a donné aux lignes leurs lettres de noblesse.
Mathématicienne allemande un peu folle, émigrée au Pérou un peu avant la Seconde Guerre mondiale, elle aurait passé près de 50 ans à arpenter la pampa aride de Nazca afin d’arriver à comprendre le mystère qui se trouvait derrière ces géoglyphes fascinants.
À sa mort, il y a quelques années de ça, elle aurait demandé à Victoria Nikitzki, son assistante de reprendre le flambeau et de faire en sorte que son œuvre soit publiée au grand jour.
Après un moment d’hésitation, nous avons tout de même frappé à la porte, certains de nous être trompés d’adresse. L’assistante d’une telle figure historique ne pouvait habiter dans un bouge pareil, et encore moins y donner des conférences !

La misère du chercheur...

Une jeune Portugaise est tout de même venue nous ouvrir et nous a entraînés dans un dédale d’objets hétéroclites jonchant une première cour intérieure. Sacs de sable, treilles de bambou déchirés, et autres poutres s’appuyaient sur un mur de terre séchée décrépi.
À l’intérieur, sur un sol de terre battue, une vieille maquette du site sous un toit de tôle ondulée apparent et visiblement peu imperméable jouxtait des gradins grossiers.
Une vieille dame aux cheveux blancs, l’air un peu folle et s’adressant à un couple de jeunes occidentaux complétait ce tableau surréaliste.
Après nous avoir demandé s’il nous était possible de suivre ses explications en espagnol, elle a continué sans plus de façon l’exposé que notre arrivée avait interrompu.
Avec force de mimiques et un accent à couper au couteau, elle nous a ainsi expliqué dans cet univers étrange, et si loin de l’hôtel du planétarium où nous étions passés peu avant, le rôle de « livre grandeur nature » que ces lignes tenaient sur le sol de la pampa de Nazca. Utilisés pour repérer les veines hydrauliques et les points de convergence aqueux et souterrain qui irriguaient ce paysage apparemment si sec, ces énormes dessins servaient également de calendrier astronomique.

Corruption et manne touristique

Ses explications étaient intéressantes. Bien construites.

Ses chuchotements et son air affolé pour nous expliquer le pourquoi de son état misérable étaient définitivement plus folkloriques.
La corruption ronge le Pérou nous dit-elle.
Lorsque Maria Reiche est morte, une riche femme amie de l’ancien président Fujimori (celui-là même qui s’est enfui après avoir presque été attrapé pour corruption généralisée) aurait proclamé être la fille secrète de la grande chercheuse. Sur ces affirmations forcément incroyables pour Victoria qui connaissaient Maria depuis de nombreuses années, elle aurait alors fondé le planétarium, afin de récupérer la manne touristique que le classement des lignes par l’Unesco n’allait pas tarder à faire tomber sur la ville.
Effectivement, ses conférences quotidiennes sont toujours pleines.
Et coûtent bien plus chères que les explications de Victoria.
Mais, elles n’auraient que peu de rapport avec les découvertes de Maria Reiche.
Un fatras de mensonges destinés à entretenir un mystère qu’on ne veut pas percer de peur de voir l’attraction du site diminuer, selon Victoria.
Et on veut bien la croire. Ses explications à elle sont assez logiques et la corruption n’est pas une affaire imaginaire au Pérou.

Rédemption

Cette rencontre, et la discussion amicale qui s’en est suivie, toujours dans cette atmosphère surréaliste m’ont beaucoup marquée. Cette femme, malgré son air un peu déglinguée, était attachante, et je regrette que malgré mes promesses embrouillées je n’arrive pas à mieux l’aider...
Il suffirait pourtant d’accepter de nous arrêter quelques semaines, de se poser chez elle quelque temps en tant que « volontaire » (comme la jeune Portugaise qui nous a ouvert la porte), afin de l’aider à remettre un peu d’ordre dans ses affaires, à lui construire un site web, à retaper son toit qui fuit, à lui traduire en français quelques-uns des nombreux écrits de son ancienne maîtresse, etc, etc.
Mais non, une fois de plus nous sommes repartis.
Le soir même, pour Arequipa.
« Nous avons déjà pris nos billets..., désolés »

Un pincement au coeur, et un article jeté sur internet comme seule rédemption.



Ca discute...

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