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La sede SI se mueve !
Le 01/08/07

Parade militaire et manifestation enfantine

Ce matin, je n’ai pas d’appareil photo puisqu’Emmanuel et moi faisons emploi du temps séparé.
Mais je le regrette.

En l’espace d’un quart d’heure, je viens d’assister à trois manifestations différentes et toutes plus ou moins situées dans les mêmes rues !

La première et la plus classique fait partie de celles que nous avons déjà vu défiler par dizaines depuis notre entrée au nord du Pérou : il s’agit d’une manifestation du corps médical, qui se proclame « corps social comme les autres », et insiste pour lutter contre l’exercice illégal de la profession.
Après les profs, les universités, et les paysans il ne manquait effectivement plus que les infirmières à notre tableau de chasse. :)

Et puis il y a eu deux autres types de manifestations, plus étrange cette fois-ci : composées de colonnes d’enfants en bas âge et en uniformes scolaires, elles étaient encadrées par des institutrices et d’autres aides tout sourires.

La sede SI se mueve !

Je n’ai pas réussi à connaître la raison pour laquelle les premiers défilaient par régions, sous les bannières successives de différents départements, portés à chaque fois par un couple d’enfants en costume traditionnel. S’agissait-il d’une manifestation culturelle de bonne entente ? D’un défilé pour la défense de la petite enfance ?

En observant un peu plus avant les affiches qui aujourd’hui parsèment la ville, je crois toutefois avoir compris un peu mieux de quoi il s’agissait.

La seconde manifestation d’enfants, sous la bannière exclusive de « Sucre », et derrière un régiment militaire en pleine parade réclamait en effet sans ambiguïté possible le déplacement de la SEDE c’est-à-dire, le parlement à Sucre.
Il me semble vous avoir déjà parlé de cette affaire de déplacement des pouvoirs législatifs et exécutifs de La Paz à Sucre qui est en réalité la capitale constitutionnelle du pays. À La Paz cette tentative gouvernementale avait provoqué de vives polémiques, et entre autres une manifestation rassemblant plus de 2 millions de personnes...

Aujourd’hui il semblerait que ce soit au tour de Sucre de répondre. J’ai bien entendu parler d’une contre-manifestation au Cabildo de La Paz ayant eu lieu le 25 juillet dernier, mais c’était en termes méprisants de la part de notre architecte lapasienne rencontrée à Potosi : selon il n’y avait eu que 300 000 manifestants et ça n’avait donc apparemment pas réussi à ébranler la décision du gouvernement d’écouter la voix du peuple de La Paz...

Mais Sucre ne se rend pas si facilement, et décide de riposter, « qualité contre quantité » !

Effectivement, aujourd’hui je me rends compte que partout des affiches à l’écriture sanglante sur fond blanc, ornées d’une croix que les conquistadors ne renieraient pas (ça doit être les armes de Sucre) proclament, à l’inverse de toutes les affiches qui tapissent les murs de La Paz :
« Si, la sede SI se mueve !! »

Après avoir assisté à une impressionnante parade militaire en armes et trompette avant hier en quittant Uyuni, et à un lever de drapeau non moins solennel, je commence à me dire que toute cette agitation quotidienne qui rythme la vie des villes Amérique latine risque de me manquer lorsque nous en partirons d’ici un mois !

L’étoffe d’une vraie capitale

En tout état de cause, tous ces petits bambins rassemblés sous la bannière de revendication politique en dit long sur l’atmosphère qui règne à Sucre.

Parce ce que ce n’est définitivement pas un hasard si j’ai vu 3 manifestations en quart d’heure ici. Cette ville est tout à la fois « vierge sage » et « vierge folle ».
C’est extraordinaire de se balader dans ces rues si blanches si propres et si colonialement bien alignées.
L’architecture de cette ville suffit à elle seule à lui conférer le sérieux que sa petite taille lui enlève. Le nombre de bâtiments institutionnels qui subsistent de l’époque coloniale, aujourd’hui réhabilités sous forme de musée, d’université ou d’institution politique, est hallucinant.
Tout ce qui à La Paz fait autorité par le nombre fait ici autorité par le dynamisme, la jeunesse et la qualité apparente des choses.

Ici, les rues sont pleines d’une jeunesse intellectuelle et prometteuse.
La moyenne d’âge dans la rue est terriblement basse et il me semble même parfois que je fais partie de la génération des grands-parents !

Ici, les enfants ne travaillent que rarement avec leurs parents, ne traînent que rarement des cartons de friandises pendus à leur cou. Leur mine n’est pas suppliante, ni leur attitude obséquieuse.
Au contraire, on se fait bousculer, à chaque pas, par des dizaines d’écoliers et écolières, en uniformes, d’étudiants une glace à la main et le dernier cancan à la bouche.
La culture et la jeunesse sont partout.

Hier, en passant en longeant par hasard un côté de la place principale que je ne connaissais que de nuit, je me suis arrêtée ébahie devant une salle de musée donnant directement sur la rue. À l’intérieur, des centaines d’animaux empaillés, rassemblés selon une classification qui m’a tout de suite paru miraculeuse, formaient le plus incroyable des spectacles.
Je suis rentrée à la suite de deux gamins pour la modique somme de 2 bolivianos, et je me suis régalée de faciès inconnus et terriblement comiques dans cette mise en scène, des plus spartiates et pourtant des plus efficaces.

Su-cre, Ca-pi-tale !

Sucre est donc une ville passionnante malgré ses apparences sages. Siège d’un nombre incroyable d’institutions intellectuelles, elle réussit malgré tout à rester à taille humaine, un peu à l’image de cette manifestation d’enfants ce matin.
Il me semble qu’elle sait dire les choses avec subtilité et sans le fracas de la capitale de La Paz.

À La Paz, on me l’avait décrite comme une petite bourgade de province endormie qui ne mériterait jamais d’accueillir les pouvoirs législatifs et exécutifs que l’assemblée avait un instant pensé à lui confier...
Et c’est vrai que, par rapport au monstre urbain qu’est la fausse capitale de La Paz, Sucre fait un peu figure de ville de province.
Et pourtant. Quelle classe ! Quelle animation ! Quelle ébullition !

Nous avons vécu dans toute son ampleur le cabildo de La Paz et sa marée humaine de deux millions d’hommes et de femmes qui se sont pressés au conseil municipal ouvert sur l’Alto. J’étais presque partie prenante :
« Non, bien sûr que non ! On ne va pas dépouiller La Paz de son rôle de premier plan ! Une si grosse ville ! »

Mais ici, aujourd’hui, je m’interroge :)
Sucre me semble posséder bien plus de potentiel intellectuel que La Paz, il suffit de regarder partout les dizaines de manifestations qui s’organisent de partout :
Ici, un festival de cinéma pour les droits de l’homme, ici une manifestation étudiante, ici un programme de redynamisation de la région sur le plan culturel, etc.

Avec ses dizaines de médecins, dentistes, et avocats qui ont tous pignon sur rue, et ses milliers d’étudiants, Sucre a vraiment l’étoffe d’une capitale.
Et La Paz, vue de loin, me parait maintenant bien rustre...



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