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Au milieu de la foule, au bout du bout du monde
Le 25/07/07

Seul au milieu de la foule

Quelques jours dans le coin le plus perdu et le plus connu de Bolivie.
À la fois, pas très loin des sentiers battus et en plein cœur de nulle part...

Comment raconter ces instants tout à la fois ultras touristiques, loin des rencontres aléatoires que la ville avec tous ses frottements apporte, et ces moments de pur émerveillement face à des paysages uniques ?

C’est toute l’ambiguïté de la Bolivie que d’être un pays qui offre simultanément le sentiment d’être au bout du monde, sorte de Laos de l’Amérique latine, un peu hors course, et de concentrer en certains de ces hauts lieux touristiques, la moitié de la France.*

Enfin bref.
Ce petit bout du monde se mérite malgré tout. Il nous a fallu une pleine journée de voyage cahoteux depuis Potosi pour finalement arriver à Uyuni, la ville départ du circuit. Cette expédition devait ensuite nous mener à travers le Salar d’Uyuni et le Sud Lipez.
Les paysages sont somptueux tout au long de cette traversée préliminaire chaotique. Les paysages à l’intérieur comme à l’extérieur du bus, il faut le noter.
Tout ce que le désert et la montagne ont d’aride dans ces contrées reculées et élevées, nos voisins de route le possèdent en volubilité et protubérance généreuse.

Les femmes de la campagne sont, il faut bien l’avouer, plus que replètes dans ce pays et je soupçonne le régime alimentaire à base d’almuerzo et de cena copieux, d’être le fautif.
Peut-être aussi le fait qu’elles semblent toujours en train d’allaiter, de porter, caresser une ribambelle de gamins, installés au petit bonheur sur leurs genoux, les pousse à se rembourrer ainsi pour leur offrir plus de confort ?
Leur présence et leurs jeux nous ont, en tout cas, bien aidés à supporter un voyage tout en tournants et cahots, qui, sans elles, aurait pu être insupportable.

Uyuni

La traversée d’un village poussiéreux et désertique, à l’exception d’un petit restaurant et d’une mémé qui se traînait sur ses moignons de genoux (le pire était qu’elle n’aurait pour rien au monde mendié quoi que ce soit : elle gardait la tête haute en nous regardant passer...), a finalement annoncé la descente vers le plateau sur lequel nous allions enfin découvrir Uyuni.

Les cactus se sont ensuite raréfiés, et les quelques cultures avaient disparu depuis longtemps quand, au détour d’un virage, nous avons aperçu une immense étendue de désert caillouteux et brûlé de soleil, au milieu de laquelle, comme une tache d’huile sur un parking abandonné, la petite ville d’Uyuni s’étalait.
La route a longé pendant un petit instant un fil électrique solitaire, alimentation unique de cette ville si loin de tout, les sacs plastiques noirs accrochés aux épines et à toutes les pierres se sont multipliés. Nous approchions du centre urbain.

Le bus nous a lâchés face à une petite agence de voyages dont une petite dame, dodue comme à l’accoutumée, a jailli pour nous proposer son tour de « 3j/2nuits à 80 dollars ».
C’est la première que nous écoutions, mais ça n’allait pas être la dernière ! Ils sont à peu près 50 bureaux dans cette ville à vivre de ce petit commerce de tour en Jeep du bout du monde !

Après avoir rencontré 3 autres tour-du-mondistes, dans une petite agence du centre nous nous sommes finalement décidés. Quitte à être entre Français, autant être avec 3 hurluberlus qui ont eux aussi 10 mois de voyage dans les pattes et un sacré bagou ! (www.tmtdm.net)

Puis, la nuit est tombée rapidement, et nous avons en moins de temps qu’il ne faut pour le dire pris la véritable mesure de ce qui allait nous attendre.
Notre petite hôtelière, assise près de son butagaz a souri en nous voyant rentrer frigorifiés après avoir avalé notre steak de lama au roquefort (où ça ? dans un restaurant français bien évidemment !).
« Je crois qu’il fait -15 ce soir... Mais hier, c’est descendu sous les -20 et je crois que, cette nuit, ça ne va pas tarder à se refroidir. Allez vite vous coucher ! »

Nous ne nous sommes pas fait prier : tout habillés dans nos duvets et sous quatre couvertures supplémentaires, nous nous sommes donc endormis tandis que les carreaux recouverts de buée se transformaient petit à petit en de magnifiques œuvres de givre arborescent.

Salar

Une première journée toute de blanc vêtue nous a permis de faire connaissance avec les vastes étendues qui allaient nous poursuivre dans les jours à venir.
Le Salar d’Uyuni, connu, archi connu, avec ses perspectives faussées, et son apparence de banquise intacte reste malgré toutes les images qu’on a pu voir avant, très impressionnant.
Le plus étrange peut-être est cette illusion que le sol est glacé, alors même qu’au soleil il chauffe presque autant qu’un désert de pierres.
Lorsqu’il a fallu nous allonger sur cette immensité blanche pour nous prêter aux exercices de photos perspectives** (faire un tour coté photos : Le magnifique Salar d’Uyuni, vous comprendrez), il a été dur de ne pas hésiter tant l’illusion que nous étions sur une sorte de banquise était grande !

Plus encore, l’utilisation de blocs compacts de sel pour construire des ensembles de mobiliers divers lits, tables, chaises et même un complexe hôtelier perdu au milieu de ce désert de glace, oups de sel, nous a fait penser aux igloos que nous n’avons pas encore eu la chance de voir... Même le mortier de jointoiement était fait de sel !

Heureusement, la présence d’un champ de petits tas de sels récoltés sur 2 cm environ d’épaisseur, en évoquant l’image des marais salants du Vietnam, nous a reconnectés à cette réalité étrange. Sauf qu’ici c’est un sel qui ne vient pas de la mer, un sel non iodé donc, qu’on extrait en croûte « du sol »...
Il vient d’où en fait ce sel ?

Aussi embrouillé que grognon, notre chauffeur-guide a eu bien de la peine à nous répondre...

L’Isla del Pescado, perdue au milieu de cette étendue de blanc qui fait mal aux yeux à force de réfléchir le soleil sans pitié de ces 4000 m d’altitude, était recouverte de cactus. De 2 à 12 m de haut, le plus souvent composés d’un seul tronc piqué de milliers d’épines, ils parsèment en continu, cette motte de terre trop brune au milieu de tant de « neige » immaculée.
C’est là que j’ai découvert l’emploi du bois de cactus qui avec ses centaines de trous en amandes régulièrement percés possède incontestablement un caractère esthétique hautement minimaliste ! Dommage que ça mette tellement de temps à pousser ces petites bêtes-là : je me serais bien lancée dans l’importation !

Et puis la voiture a continué de rouler dans ce blanc sans que les distances ou l’heure ne semblent plus s’écouler normalement. Notre chauffeur piquait définitivement du nez, sans route à suivre, ni autre direction me semblait-il que la course du soleil pour s’orienter.

Nous avions à peine commencé à nous habituer à cet univers terriblement étrange d’où surgissaient parfois d’autres 4x4 soulevant des nuages de poussière blanche, que la terre a resurgi sous les roues puissantes de notre engin, afin de nous déposer devant une petite bâtisse, surplombant ce Salar que nous avions parcouru une bonne partie de la journée.

Un anniversaire et beaucoup de blagues plus tard (nous sommes en compagnie d’animateurs professionnels, on ne plaisante pas avec les blagues :)), la nuit était tombée, et l’ambiance de colo battait son plein dans la résidence...

8 h de voiture, ça use, ça use

La journée du lendemain, passée à couvrir les distances phénoménales qui nous séparaient des quelques points d’attraction de la journée, n’est pas de celle dont je garderais un souvenir mémorable... Si nous avions fait le même chemin à moto, à vélo ou même en louant notre propre 4x4, je pense que j’aurai pu tartiner des pages entières de ces paysages pelés, au cœur desquels surgissaient de temps en temps quelques lagunes gelées, que parsemaient de rares flamands roses, et d’incroyables troupeaux de vigognes.

Attendre, regarder le paysage aux couleurs martiennes ou lunaires, manger, attendre, sortir faire une photo, attendre, se faire secouer avec violence par les cahots de cette piste qui n’en finissait pas de se tortiller sur le moindre relief disponible, attendre, prendre une photo...

En outre, à chaque curiosité, ce qui me semblait être une foule de 4x4, entre 3 et 15, surgissait soudain de nulle part pour venir s’agglutiner autour de « l’arbre de pierre », de la lagune blanche, ou de l’entrée du parc x-y, et s’en était brusquement fini de l’illusion d’être seuls, que notre chauffeur arrivait si bien à préserver.
Il faut, pour être tout à fait juste, lui rendre au moins cet hommage de savoir être le premier en toute circonstance, au départ comme à l’arrivée... Au risque de nous presser peut-être un peu trop !

Couleurs extraterrestres

Au fur et à mesure que les 3 jours avançaient, les tiraillements dûs aux conditions physiques (froid vraiment éprouvant à l’aube et au crépuscule) à la proximité imposée dans l’immobilité, et l’ennui consécutif aux longues heures passées à ne rien faire que regarder, on a failli nous user...

Mais c’était sans compter avec les surprises écologiques du troisième jour.
En quittant, bien avant que le soleil ne se lève, la lagune rouge dont nous avions parcouru avec assiduité les berges la veille au soir, nous ne nous attendions pas au spectacle fantastique que les geysers de la manana allaient nous offrir !

Dans la clarté diffuse d’avant l’aube, nous avons tout d’abord aperçu une brume imprécise qui montait du sol. Le bruit assourdissant que ces terres bouillonnantes faisaient en continu ne pouvait pourtant pas tromper :
Le sol s’était ouvert en pustules purulentes par endroits et crachait une lave grise et liquide. D’énormes bulles crevaient la surface de ces minis cratères avec une puissance capable de projeter des gouttes brûlantes à plusieurs mètres.
Comme dans un nuage, nous nous sommes aventurés au cœur de ce dédale de passerelles minérales et de bains bouillonnants. Il faisait -20 cette fois-ci, et les bouffées d’air chaud soufré et humide qui nous parvenaient par moment en pleine figure, au risque de nous faire perdre pied, étaient du plus étrange effet.

Ce n’est qu’une fois complètement congelés, et incapables de ne plus bouger une seule de nos extrémités, que nous nous sommes décidés à retourner à la voiture qui nous attendait sagement.

Le lever de soleil rouge et or, en lumière rasante sur les milliers de touffes de broussailles qui parsemaient ces nouvelles plaines, est un des plus mémorables que je garde en mémoire. Pas tant pour le soleil en lui-même que pour les paysages qu’il nous a révélés, ces courts instants avant notre arrivée aux « aguas calientes ».

Par moins 20, une petite piscine naturelle d’eau chaude à 37 degrés nous attendait en effet à l’arrêt suivant.
Il va sans dire qu’avec tout le froid que nous avions enduré depuis la veille, nous n’avons fait ni une ni deux :
... nous nous sommes jetés à l’eau !!
La sensation de brûlure qui précède le véritable réconfort nous a indiqué à quel point nous étions frigorifiés...

Il a bien fallu sortir de ce bain miraculeux, après trois jours sans douche (dans chaque hôtel ou refuge, l’eau était malheureusement congelée, même si toutes les installations sanitaires étaient bien prévues pour être utilisées...), et nous diriger vers la laguna verde...

Le soleil avait disparu de nouveau, il était 10 h du matin, l’heure de petit déjeuner enfin, et de redistribuer les voitures entre ceux qui partaient au Chili (nos trois joyeux lurons en faisaient parti) et ceux qui devaient subir les quelques 6 h de voiture non-stop nécessaire à regagner Uyuni.

Retour muet

Il va sans dire que pour moi c’est à cet instant précis, au pied de cette lagune vert turquoise que s’est achevé le tour. Les couleurs et le froid étaient tellement surréalistes, surtout après les moments forts que nous avions vécu depuis le lever de soleil que rien après n’a pu les égaler.

Nous avons bien fait connaissance avec de nouvelles personnes, celles qui ont partagé notre voiture au retour, mais c’est essentiellement dans le silence et le bruit des pages tournées que c’est achevé ce trajet, bien plus ennuyeux que les précédents. Ici, point de vigogne ou de lama pour égayer les paysages monotones entre deux lagunes. D’ailleurs des lagunes, ici, il n’y en avait plus. Tout au plus quelques rivières que nous avons traversées avec notre 4x4 et notre chauffeur magique.
Et puis une fête de village particulièrement colorée au son des trompettes et des tambours qu’on commence à bien connaître, pour conclure...

Je ne sais pas si je recommencerai cette excursion au mois d’août en pleine saison touristique, mais sans aucun doute si j’ai l’occasion de revenir un jour, j’y retournerais d’une manière ou d’une autre : les paysages que nous avons eu l’occasion de découvrir ces quelques jours font partis des choses les plus extraordinaires qui nous ont été données de voir autour du monde, et si ce n’était la température dramatique et le rythme imposé, auquel avec l’âge ( !) je deviens de plus en plus allergique, je vous le conseillerais à tous, tout de suite !


* car oui, après la Croatie, le Maroc et la Chine, en ce moment toute la France est en Bolivie ! ** en utilisant cette énorme étendue blanche, il est en effet possible de jouer avec les règles de la perspective et créer des illusions optiques. En nous plaçant dans le même axe que nos chaussures par rapport à l’appareil photo, mais cinq mètres plus loin par exemple, l’effet de disproportion obtenu (elles paraissent soudain énooormes...) est fascinant. Enfin ça, c’est à vous de juger :)



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