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Missions métisses
Le 08/07/07

Welcome back dans la savane

Une nuit de bus en cama. Une de plus.
Mais quel réveil !
Soudain nous avons changé de Bolivie. De la même manière que nous avions senti une forte rupture arrivant à Guayaquil en Équateur, l’arrivée à San Ignacio, même après être passés à Santa Cruz nous met les points sur les i. Ici nous sommes à mille lieues de l’Altiplano, de son froid paralysant et de ses sommets impressionnants.
Ici la terre et rouge et la poussière se soulève en nuages lents sur le passage de tous les véhicules. Aucune rue n’est pavée par ici et elles sont presque toutes bordées de colonnades de bois plus ou moins ouvragées. C’est qu’il fait chaud par ici très chaud...

Le lever de soleil sur une savane comme je n’en ai encore jamais vu, un mélange de pampa cambodgienne et de broussaille yéménite, m’a énormément impressionnée. Tout en ombres chinoises sur fond rose violet et or, la silhouette d’arbres dont je n’avais encore jamais soupçonne la forme s’est dessinée petit à petit.

Sur la place de ce petit patelin de San Ignacio, à 6 h 30 du matin, la lumière s’est ensuite amusée à nous révéler progressivement les formes et les couleurs de ces arbres étranges.

Les palmiers en effet ici sont tout à fait différents de ceux que l’on a pu observer jusqu’alors. Parfois sans tronc, mais composés de palmes gigantesques qui montent presque aussi haut que le toit de l’église, ils portent des fruits à des plumeaux d’autruche, tellement les feuilles de leurs palmes sont touffues et fines.

Mais c’est surtout une espèce de baobab ventru qui a retenu mon attention. La brise légère qui venait de se lever en même temps que le soleil, faisait voleter des duvets cotonneux dans les airs. La consistance de ces boules blanches et tièdes qui se posent sur le sol est tout à fait surprenante. On croirait tenir entre ses mains une pelote de laine d’alpaga, parmi la plus fine et la plus douce qui puisse exister.
En en ramassant une petite quantité je me suis même rendu compte qu’il devait être facile de faire de cet alpaga végétal un fil de tissage tellement sa résistance semblait grande...
Quel pays de cocagne : Des fruits inconnus plein les arbres, des habits en attente, du soleil et une ambiance très « caliente » comme dirait Manu 

Des missions jésuites « métisses »

Une petite douche froide plus tard, nous nous sommes lancés à la découverte du coin.
Parce que si nous avons atterri par ici, c’est pour deux raisons.
La première est la présence d’un parc classé par l’UNESCO, a priori pas trop loin (...), parce que finalement nous avons décidé de ne pas laisser passer la forêt amazonienne comme ça,
et puis la seconde, le fait que nous sommes ici au centre d’une ancienne zone missionnaire jésuite, au cœur de laquelle il reste un certain nombre d’églises au style métis unique.

Nos premières investigations quant à la visite du parc sont plus que décevantes : on nous demande 600 dollars pour 3 jours en forêt (plus deux jours de transport).
Et même si nous avions cet argent avec nous, l’énormité de la somme nous fait presque renoncer à l’idée de même d’y aller.
Un peu déçus donc, nous nous rabattons donc sur un taxi loué à la journée pour au moins profiter des églises du coin.
C’est qu’elles sont loin les unes des autres ces paroisses. Éparpillée dans la savane au cœur des communautés les plus importantes, la piste qui les relie est des plus mauvaises (enfin, relativisons : ce n’est rien par rapport à ce qui nous attend dans les jours à venir...).

Sur la piste

Il fait très chaud et nous mettons plusieurs près de 2 h à rallier la première église de San Miguel. Nous avons peu après le départ compris pourquoi notre chauffeur avait accepté de baisser le prix officiel. Il a dû oublier les amortisseurs au garage et les joints de porte chez le fabricant !
Sa voiture sursaute et tressaute sur la moindre bosse - et dieu sait qu’il y en a -, et nous avançons dans un bruit de ferraille assourdissant. Mais ce n’est pas grave : ici il n’y a rien, ni personne que nous pourrions déranger. Les bords de la piste sont pleins de cette végétation touffue et broussailleuse dont émerge parfois un arbre couvert de fleurs jaunes ou violettes, et sans feuille. De temps en temps, une marre interrompt cette harmonie végétale et un troupeau de buffles blancs sauvage nous regarde l’air curieux.

Nous ne croisons aucun autre véhicule. Nous sommes au bout du monde dans ce coin de Bolivie.
Jusqu’à ce que .. un homme tout seul au milieu de nulle part nous fasse de grands signe. Il fait un soleil de plomb et je me demande bien d’où il vient tout seul à pied sur le bord de cette piste qui n’a pas de fin. (Nous nous rendrons compte plus tard que le long de cette piste principale s’amarre d’autres pistes plus petites qui mènent à de petites communautés, vraiment perdues celles-ci...)
Je demande au chauffeur de s’arrêter pour le prendre : j’aimerai bien qu’on fasse la même chose pour moi, et puis c’est un bon moyen de rencontrer des gens ! Malheureusement, nous allons vite nous rendre compte que la communication dans ce coin du pays est plus difficile qu’ailleurs : il est quasi impossible de comprendre l’accent des gens d’ici tellement ils avalent leurs mots...

Fraîcheur métissée

La fraîcheur de la mission de San Miguel est la bien venue après ces 45 douloureux premiers kilomètres. La fraîcheur, à tous les sens du terme d’ailleurs :
Ici nous sommes bien loin du style colonial lourd et baroque qui alourdit nombre d’édifices religieux d’Amérique latine. Ici, les jésuites arrivés en missionnaires se sont lancés dans une aventure esthétique tout à fait étonnante. La naïveté de certaines représentations contraste avec la complexité du nouveau code liturgique qui s’impose dans cette église. Ici, on trouve tout aussi bien la vierge*, que des représentations du dieu soleil et de la lune.
En outre, le décor est extrêmement floral et les représentations d’animaux ne manquent pas.
Le travail du bois et la chaleur des peintures nous transportent presque dans un autre pays. Si le bois sombre de la structure fait très temple zen japonais, le décor baroque floral nous rappelle les temples un peu les temples hindous...
Mais le tout est unique : nous sommes ici dans un pays inconnu, une enclave au cœur de la Bolivie.

Notre chauffeur de taxi nous attend curieux à la sortie :
« Alors, c’était bien ? »
« euh.. Vous n’êtes jamais rentrés ?? »
« Ben non le dimanche moi je vais à San Ignacio alors... »
« Mais vous auriez pu entrer avec nous : ce n’est pas payant, vous savez ! »
« hum.. oui c’est vrai »

L’air honteux et modeste à la fois le chauffeur semble nous expliquer que la culture c’est pour les touristes, pas pour les gens comme lui. Je suis très étonnée, mais je ne dis rien.
Il nous met clairement dans une classe à part cela dit. Après nous avoir indiqué un restaurant, il se retire en effet dans sa voiture en refusant de partager notre repas. Pourtant, nous avions choisi le moins cher du village !

En mâchant sa coca dont il rachète une bolsita qui lui coûte deux fois le prix de notre déjeuner, nous repartons.

Il crève peu avant d’arriver à San Rafael, mais ici ce n’est pas grave ces affaires-là. Ça nous laisse le temps d’apprécier cette église, une variation de la première, dans tous ces détails.
Ici aussi les piliers de bois sombre, sont immenses et torsadés. Du mica a été utilisé sur les sculptures du cœur pour donner un effet argenté à l’ensemble. On sent bien ici que tout a été fait avec les moyens du bord, mais l’harmonie finale est tout à fait surprenante. Ces églises sont faites avec le territoire et c’est la première fois que j’ai l’impression que le christianisme n’a pas été superposé violemment sur les cultures américaines précédant leur arrivée. Ici il s’est fondu doucement avec des rites déjà en place, de la manière la plus simple qui soit.

Douceur naïve

En fin d’après-midi nous arrivons à Santa Anna, la seule de ces 4 églises ayant été construite par les indigènes, une fois que les jésuites ont été expulsés d’Amérique latine par le pouvoir colonial en place. Elle est plus simple et peut-être encore plus naïve que les autres.
Mais nous ne pouvons pas en avoir le cœur tout à fait net : le prêtre est en effet en train de donner une leçon de catéchisme à une ribambelle d’enfants silencieux, assis aux premiers rangs de l’église. Mais les portes sont ouvertes et nous jetons tout de même un coup d’œil discret silencieusement. : Il est très doux et très expressif ce prêtre. Je me plais à penser que c’est ainsi que les Jésuites, ici tout du moins, sont venus expliquer leur fois.

Sur le parvis plein de poussière qui donne sur une grande esplanade tout en herbe et baobab cotonneux, nous rencontrons le gardien de l’église : il nous fait alors faire un petit tour dans les coulisses pendant que le prêtre continu ses explications : « el pescador es un ombre muy triste, el pescador es un hombre solo... »
Il est charmant cet homme : il fait de chaque confidence un secret partagé, de chaque anecdote une histoire drôle : Le prêtre est italien, il n’est là que depuis un an... L’église a été rénovée il y a quelque temps, ici on peu encore voir quelques peintures originales... La fête de l’église vient de passer c’était vraiment grandiose... Tenez lisez un extrait du journal... etc.

Une heure plus tard, nous repartons. Le soleil est couché lorsque nous arrivons à San Ignacio.

Et maintenant, l’aventure !

Malgré les doutes que nous avons sur la qualité des pistes plus haut dans le nord, nous avons plus ou moins convenu avec notre chauffeur d’essayer de nous rendre dans le parc Noel Kempf Mercado avec lui demain - il nous fait un très bon prix, lui - et nous sommes sur le point d’aller faire des provisions pour 5 jours, lorsque nous repassons devant l’agence de ce matin.
Nous voulons juste leur demander quelques renseignements sur l’état de l’hébergement potentiel dans la forêt, lorsque tout excitée, la dame nous répond :
« je vous ai cherchés toute la journée : nous avons 4 autres personnes qui partent tout à l’heure pour 5 jours ! »
«  !!! » (le matin même elle nous avait dit qu’il n’y aurait aucun touriste depuis longtemps par ici)
« Alors, vous venez ? la voiture par dans 30 minutes ! »
Nous nous sommes regardés un peu interloqués, une nuit en camionnette sur des pistes plus que douteuses, ce n’est pas exactement ce dont nous rêvions après la nuit dernière, mais c’est l’occasion qui fait le larron !

Une heure plus tard, nos sacs étaient amarrés sur le toit, et nous avions fait connaissance avec la petite équipe...

Pour la suite, voir articles : « Voyage au bout de la nuit (Parc Noel Kempf 1/2) » et « La forêt reprend ses droits (Parc Noel Kempff 2/2) »


*qui n’est d’ailleurs plus représentée avec une robe triangulaire censée représenter la déesse Pachamama de la montagne-terre-mère comme dans l’Altiplano



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