La dernière nuit du ramadan a été animée à Aden, mais pas tellement plus que les autres nuits du ramadan. Le souk en plein air grouillait comme dans les autres villes de monde et tous se pressaient pour faire leurs derniers achats...
Le lendemain matin, c’est avec une expectative non dissimulée que nous avons attendu l’Id. Cette fête de fin du ramadan dont on attendait des étincelles, à la hauteur du faste des nuits de ramadan... On a attendu, attendu, et ce n’est jamais venu.
Tout a changé pourtant, les horaires, le visage des gens et celui de la ville, mais sans bruits ni éclats, comme une métamorphose subtile, une mue au réveil.
Les boutiques ont fermé leurs portes de métal ouvrage, et seuls quelques épiceries et vendeurs de jus de fruits frais animent encore un peu les façades commerçantes. Tout le Yémen est en vacances, et les familles venues des quatre coins du pays se pressent dans les rues d’Aden, vides de toute activité commerciale. Sur la presqu’île de Sitra ici, les hommes descendent en grappe des minibus et gravissent les rochers qui tombent à pic dans la mer pour enfin khater de tout leur saoul, au soleil et la jambia dans le vent.
Les familles quant à elles sortent sur le coup dès 5 h, toutes habillées de leurs nouveaux habits, de tous ces habits qu’on a vus suspendus sur les cintres de boutiques du souk et plus encore :) Les enfants, les petites filles surtout qui ne sont pas encore voilées, laissent apercevoir le faste de cette fête, dans la rue, toutes habillées comme des princesses, de jupes à volants et paillettes, les cheveux permanentés ou relevés avec des chignons élaborés, elles inaugurent en grande pompe leurs souliers vernis à brides, leur sac à main de femme et leur port de tête altier.
Les femmes dont on devine les robes de bal juste au-dessus des chaussures à talon aiguille que le bas de la burka découvre, affichent elles aussi de nouveaux « uniformes » et on découvre les nouvelles tendances de l’année. En 2007, les burkas noires verront quelques fils de couleur, brodés aux manches et sur la pointe du foulard, égayer la tenue habituelle. Pour les hommes, la mode penche résolument pour une adoption du t-shirt de contrebande pour remplacer la chemise classique sur la jupe traditionnelle. (Enfin ça, c’est la mode d’Aden)
Les familles se déplacent en cortège dans la rue et s’observent un peu, tandis que les pétards éclatent juste avant le rire des enfants, un peu trop apprêtés pour ce genre de jeu... Un long dimanche de fête que cet Id qui se déroule sur plus d’une semaine ici.
Aujourd’hui, nous sommes allés nous plonger dans la contemplation des citernes millénaires du Tiwana creusées dans la roche à flanc de volcan, sur une des faces du cratère entourant la ville d’Aden. Nous n’étions pas les seuls à avoir eu la même idée ! Des touristes venus d’Arabie Saoudite, de Sanaa et de Taez sûrement s’y étaient également donné rendez-vous, et s’imprégnaient de leur sortie touristique des vacances...
C’est lors de cette visite que nous avons pu observer un nouveau code social portant sur l’importance de la présentation du vêtement neuf. Nous avons en effet observé à plusieurs reprises des petites filles dont le t-shirt flambant neuf ou la robe de princesse portait encore l’étiquette d’achat accrochée au col. Si la première fois nous avons pensé à une négligence de la maman débordée par ses 10 petits bambins, à la seconde occurrence, Manu n’a pas hésité à échafauder la théorie suivante : l’étiquette en bon état encore accrochée à l’habit prouve que ce dernier n’a encore jamais été lavé... et qu’il est donc authentiquement flambant neuf !
... Si tous ces enfants avec leurs habits neufs impressionnent autant, c’est peut-être parce que nous avons oublié de mentionner que la plupart de ceux que nous avions croisés et photographiés jusque-là n’abordaient que des habits troués, usés jusqu’à la corde, et manifestement trop petits aux encoignures. Or, sous ces habits en lambeaux, on pouvait pourtant parfois apercevoir les traces d’un reste de couleur vive ou de paillette... Je me trompe peut-être, mais il me semble que la population la plus pauvre, celle des rues, et celle que l’on croise au quotidien, ne doit pas disposer de plus d’un habit par enfant au Yémen... deux au maximum en comptant celui de l’an passé. L’id est donc LE moment de l’année où les habits sont neufs, et ce moment est partagé par toute la communauté, comme signe de fête et de renouveau après la purification du ramadan.
Et dire que nous nous trouvions héroïques avec nos 2 pantalons et 3 T-shirts pour l’année...
Une dernière anecdote pour vous amuser : le dromadaire à pois ! La première fois que nous avons croisé son chemin, en train de tirer derrière lui une carriole d’une cinquantaine d’enfants entassés, nous n’en avons pas cru nos yeux... Ici, en plus de la mode vestimentaire, j’ai oublié de préciser que tout le monde passe au henné. Pour les hommes, la mode est au casque de cheveux roux et à la barbe flamboyante. Pour les femmes, quelques mèches teintées viennent accompagner les dessins complexes qui ornent leurs mains, chevilles et pieds tout de henné travaillés. Pour les moutons, dromadaires et chèvres de tout poil par contre, c’est le pois qui semble à la mode cette année ! Je ne sais ni comment, ni pourquoi ils ont réussi ce tour de force de poser des cataplasmes de henné sur ces animaux, mais l’effet est garanti et la surprise totale ! Ils sont fous, ces Yéménites !!
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