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Minsk Trip (1/2)
Le 17/03/07

« On part ou on ne part pas ? »

Ce matin-là, à Hanoï, le doute est encore grand à moins d’une heure du départ. Et pour cause : dans la colonne des « pour », il n’y a qu’un seul argument (tentant certes), alors que la colonne des « contres » grouille de peurs paralysantes.
Le « pour tentant » est basé sur un sentiment de frustration latent que nos premières semaines de découverte du pays n’ont fait que se creuser. Nous avons envie de donner un peu de piquant au Vietnam, un peu de relief à l’image lisse et touristique qu’on nous a vendue avec le billet-open-tour de bus auquel il est quasi impossible d’échapper...
Et puis je me souviens aussi de ce qu’on m’a dit : « Au Vietnam, plus qu’ailleurs en Asie du Sud-Est, il faut aller à la campagne : le décalage est fantastique et les rencontres sont très différentes... »
Allons bon.

Dans la colonne des contres, pas contre, il y a :
-  le fait non négligeable que je n’ai jamais conduit ni moto ni scooter (mis à part le petit, tout automatique, en Thaïlande sur 20 km...)
-  Il y avait aussi le fait que le temps est vraiment loin d’être au beau fixe dans la région (la brume et la pluie d’Hanoï ont déjà eu raison de notre beau bronzage cambodgien).
Et la pluie moi, sur la route, ça me fait un peu peur...
-  Enfin, le fait que les motos ne sont plus dans leur prime jeunesse, et sont réduites à leur plus simple expression, sans compteur d’aucune sorte (ni de vitesse, ni de niveau d’essence, ni d’indicateur de « gear »), me encore un peu plus fait encore un peu hésiter...

Mais le goût de l’aventure est toujours le plus fort au sein de l’équipe petite-escapade.fr !...Et nous décidons donc de dire « oui » aux Minsks.

La matinée du départ, suivant cette décision très rapide, est pourtant décourageante : après s’être fait manger une fois de plus le petit déjeuner par les rats de notre deuxième hôtel à Hanoï, la course aux banques sans commission à 7 h du matin s’est avérée infructueuse. C’est que la caution que l’agence nous demande est énorme ! Et la commission des banques pour le retrait d’une telle somme en liquide est-elle aussi conséquente, au point qu’elle équivaut presque au prix de la location !

Tant pis, ce sera double prix pour nous, mais au moins nous pourrons partir directement en Chine depuis la frontière sans avoir besoin de revenir à la capitale pour rendre les motos... La Liberté à un prix fort qu’il faut savoir payer parfois :)

À tâtons

Après le marathon bancaire matinal et la course aux visas à l’ambassade de Chine, l’essai de la Minsk ne se révèle pas beaucoup plus rassurant... Je le trouve même catastrophique : la petite rue résidentielle dans laquelle nous faisons nos petits bouts de conduite se révèle bien menaçante à mon égard. À chaque demi-tour, je cale sans exception, et la présence d’autres véhicules - ou être humain - dans un rayon de moins de 3 m de ma personne me fait paniquer...
Mais bon, c’est en forgeant qu’on devient forgeron, alors « yallah ».

Enfin, le petit cours théorique, complétant la formation rapide nous tenant lieu de permis de conduire, finit par achever ce qui me reste comme bonne volonté. Face à cet engin russe que j’ai pour mission de dompter dans les prochains jours, je me sens vraiment toute petite. Et pour cause, il pèse bien 150kg (je suis totalement incapable de le relever une fois à terre), et l’assemblage complexe des câbles tuyaux et autres bougies, m’inquiète un peu...
C’est eux qu’il nous faudra surveiller avec attention et triturer savamment à chaque manœuvre importante, sous peine de perdre nos 700 dollars de caution...

Une fois le contrat signé, les sacs accrochés sur le siège, les casques essayés et le manuel épais d’utilisation en poche, nous entreprenons de quitter Hanoï, la capitale grouillante de millions de véhicules, ignorants tout du Code de la route !
Heureusement que, consciente de mes capacités de départ limitées, j’insiste pour qu’un chauffeur me conduise moi et ma moto en dehors de la ville... Emmanuel par contre, en sa qualité « d’homme doué naturellement pour les affaires mécaniques », s’octroie le droit d’affronter la fourmilière, les feux jamais respectés et les queues de poisson en tous genres...
Je ne dis pas que notre cortège est des plus rapides, mais nous parvenons tout de même à nous retrouver aux portes de la ville, une heure après le départ officiel, sur une rocade extérieure relativement calme.

C’est là que le Grand Trajet commence...

Les premières dizaines de kilomètres dans un paysage de rizières ponctué de bâtiments industriels sont poussiéreux et très très « busy ».

Les ennuis commencent un peu plus loin à Hoa Bin, quand soudain mon moteur se met à caler plus que de coutume. Même en 4ème, je cale !
La tension monte rapidement avec l’augmentation rapide du nombre de véhicules nous entourant au cœur de la petite ville... Mais même lorsque Manu, galant comme toujours, prend le relais, les crachotis du moteur ne cessent pas vraiment...

Le brouillard et la nuit nous tombent alors dessus sans crier gare, en pleine ascension du col qu’il nous faut franchir pour attendre Mai Chau... Dense et épaisse, cette brume nous empêche de voir la route à plus de 5 m... Puis au bout de quelques minutes à peine, la pluie fine de ce nuage dans lequel nous venons de pénétrer se met à coller aux verres de nos lunettes, histoire de compliquer un peu la situation.
De temps à autre, une paire de phares perce le brouillard, en nous aveuglant durant quelques minutes durant. La peur de louper un virage et de tomber dans le ravin, dans ces moments-là, nous crispe sur le guidon, alors que nous tentons de maintenir le cap avec l’énergie du désespoir...

Dodo !

Le col enfin dépassé, nous sommes dans la vallée de Mai Chau ou, par chance, une mobylette repère notre errance, et nous récupère à un carrefour à l’entrée de la ville (le moteur pétaradant de nos Minsks devait être repérable à des kilomètres à la ronde).
Un rapide échange d’anglo-viet nous convainc alors de les suivre jusqu’à un groupement de maisons thaïes en bambou sur pilotis où des dortoirs à même les grandes pièces tressées sont disponibles...
Le grand dortoir de la maison dans laquelle nous nous sommes installés est vide, décor immense pour notre petite moustiquaire.

Une soupe de nouilles plus tard, et quelques larmes de stress et de soulagement libérées, à 8h05, je m’effondre sur mon lit de fortune et m’endors en moins de temps qu’il ne faut pour le dire... Pendant ce temps, Emmanuel potasse avec diligence le manuel de la Minsk !

De Mai Cahu à Sonla

Le départ, malgré notre effort matinal, a été long... C’est la moto de Manu, qui cette fois-ci fait des siennes. Et puis, il faut bien avouer que nous n’avons pas encore le coup de main pour harnacher les sacs sur l’arrière des sièges avec ces espèces de lanières de pneu élastique qu’on nous a gracieusement louées...
Le brouillard est blanc aujourd’hui. Blanc dense et mouillé. C’est un nuage en fait. À ce rythme-là, nos pantalons sont vite détrempés.
Et on s’habitue mal aux troupeaux de buffles qui surgissent de la brume à deux mètres des motos, sans prévenir. Encore moins aux camions arrêtés en plein milieu de la chaussée et signalés par de maigres branchages qu’il faut arriver à contourner d’un geste brusque et habile au dernier moment. Les silhouettes fantômes que nous croisons avancent silencieusement dans le brouillard.
Heureusement, ça ne dure pas trop longtemps.
Avec l’arrivée du soleil, les hello se font de plus en plus nombreux, les verts intenses des rizières étagées éclatent. Les couleurs des costumes traditionnels que portent les femmes nous sautent aux yeux. Que c’est étrange de les voir ainsi accoutrées : on dirait les habits du musée qu’on a visité avant-hier ! Sauf qu’ici c’est pour de vrai :)

Nous avons de plus en plus d’assurance, mais les virages sont de plus en serrés et nos pointes de vitesse sont autant de coups d’adrénaline qui nous maintiennent concentrés pendant des heures durant.

Euh... on redémarre comment ??

La pause de midi est agréable. Ici mon « point-it » (petit dictionnaire en image) est très utile : le déjeuner est festin, nos hôtes sont très sympas et le thé vert offert à la fin est un moment bien agréable.

On leur dit au revoir plein de fois et on se décide enfin à partir. Pas pour longtemps, cependant : aucune de nos motos ne se décide à démarrer cette fois-ci !

Une heure et 50.000 dongs lâchés au « voisin-mécanicien-du-dimanche » plus tard, nous sommes enfin repartis. (Nous apprendrons plus tard que le démarrage lent est normal et qu’il y a plein de techniques pour faire redémarrer la moto, des techniques gratuites bien sûr !)
Pourvu que les ennuis mécaniques ne continuent pas à ce rythme !

Les paysages se succèdent sur les routes de montagne, il fait beau, la fluidité de la conduite est plaisante. Manu parvient même à faire une vidéo de moi roulant à côté de lui en pleine action lors de notre arrivée à Sonla !

Sonla, en technicolor

La ville de Sonla, comme toutes celles qu’on a traversées, n’est pas charmeuse ou pittoresque comme peuvent l’être les petits villages des minorités ethniques par lesquelles nous passerons le lendemain. Mais ici, on est plus dans le vrai qu’ailleurs, il me semble.
Les aspirations des anciens paysans qui viennent peupler ces petites villes de province sont claires. Il s’agit d’une véritable ascension sociale et il faut que ça se voit. Les maisons, toutes construites sur le modèle long haut et étroit qui parsème la totalité du Vietnam, affichent ici, plus qu’ailleurs, des façades sur rues ostentatoires.
Comme une meringue plaquée sur un parallélépipède rectangle opaque de ciment gris, la façade sur rue contraste par sa couleur toujours très vive (rose fuchsia et saumon, vert tendre et foncé, violet et magenta, jaune d’or et orange vif, etc.). Les colonnes à chapiteaux d’inspiration corinthienne, les balustrades moulées sur le style Louis XIV, les pignons sculptés qui inventent une fin de toiture à deux pans sur des toits souvent « terrasse » sont également tous peints.
Parfois même, et c’est le must, une véritable toiture à deux pans, comme un triangle extrudé sur toute la longueur de la terrasse, flotte au-dessus de cette dernière comme un lourd chapeau en lévitation. Il va sans dire que les proportions sont dramatiques et que l’ensemble est parfois grotesque, mais le but est atteint : on est forcément remarqué !...

Thé vert et parfum de communisme

Notre petite balade nocturne en quête d’une chaîne pour cadenasser nos Minsks, nous fait découvrir des relents communistes qu’on croyait presque disparus dans ce pays aux ambitions capitalistes clairement affichées. Dans la cour d’un bâtiment du parti, deux rangées de bureaux se font face, un militaire garde l’entrée de la cour, et des chants patriotiques au haut-parleur servent d’introduction aux discours du soir...

Plus tard, un petit boui-boui avec ses habituelles tables basses et chaises en plastiques pour maternelles nous accueillera avec chaleur. La nourriture est excellente, et les sourires toujours de la partie. Un ingénieur en construction en déplacement depuis Hanoï entame la conversation en anglais, c’est le seul qui en est capable depuis qu’on a quitté la capitale. Autour du traditionnel verre de thé vert qui est offert sur une petite table près de la sortie à la fin du repas, nous échangeons quelques propos banals. Manu essaie le calumet de bambou et parvient même à ne pas s’étouffer ! Il nous laisse sa carte, ça fait longtemps qu’au Vietnam on n’a pas eu de rencontre aussi sympa !

Suite : Minsk trip (2/3) : Le troisième jour



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