Petite Escapade - Tour du Mondehttp://chez.emba.free.fr
Japan Perfection 1/2
Le 15/05/07

Le choc des cultures

Alors voilà, et même si c’est de San Francisco que je vous écris, je vais quand même faire un effort pour vous livrer mes premières impressions du Japon, les plus fortes, celle qui font que j’ai tout de suite été fascinée par ce pays si diffèrent du nôtre.
Ma première impression c’est que le Japon, « c’est vraiment japonais » ! Ça peut paraître bizarre, mais contrairement à la Chine, tiraillé entre l’occident et un passé qu’elle renie, le Japon, lui, semble complètement assumer son identité et ses contradictions. Le Japon que nous avons découvert, entre Candeur en minijupe, élégance naturelle et mutisme forcé, c’est donc à la fois tous les clichés auxquels je m’attendais, et en même temps toute la fraîcheur de leur réalité quotidienne. Loin de la Chine, où tout le patrimoine n’existe plus que sous la forme de « faux-vieux » quartiers commerciaux, le Japon nous a semblé dès le premier abord, très authentique.

Si l’on est en Asie depuis 6 mois déjà, l’impression d’avoir débarqué sur une nouvelle planète nous saisit malgré tout fortement.
Loin de tout comportement qu’on a pu identifier auparavant, l’attitude des Japonais, leur culture et leur philosophie nous semblent en effet très différentes de celles rencontrées précédemment. La folie consumériste n’est pas la même qu’en Chine, le bouddhisme n’est pas le même qu’en Indochine, les visages ne sont pas aussi jaunes qu’en Thaïlande, les manières japonaises sont aux antipodes de celles des Indiens... et bien sûr, le coût de la vie, et le confort qui va avec, n’est ici comparable à aucun des pays que nous avons traversés précédemment.

Je crois toutefois que le sentiment de changer de continent a été précisément renforcé par le fait que tout semble opposer les Chinois aux Japonais. La haine qu’ils se portent mutuellement est d’ailleurs fortement ancrée dans leurs esprits au point de détester chacune des manières de l’autre. Pour le visiteur étranger, passer d’un de ces deux pays à l’autre, c’est un peu comme traverser la méditerranée ou l’Europe du nord au sud en quelques heures.
J’ai eu cette impression précise de passer de l’Algérie à l’Allemagne sans même avoir été prévenue.
La Chine et les Chinois, avec leurs invectives continues, leur manière de pousser fort, leur loi du toujours plus fort, du premier, leur insouciance affichée du bien commun dans le traitement des espaces publics par exemple (alors même qu’ils sont communistes !!), tout ceci n’était plus qu’un mauvais souvenir lorsque nous avons commencé à déambuler dans les rues hyper propres de Tokyo ou de Kyoto où tout semble exact, calculé, comme tiré au cordeau.

Les bâtiments, les aménagements de rue... et même les gens.

Pour une fois, on n’est pas les plus vieux !

Dans ce pays où tout sentiment d’insécurité disparaît au moment où on pose les pieds hors de l’avion, la timidité affichée des habitants est frappante. Plus encore que la propreté des rues ou la perfection des arrangements minimalistes paysagers, c’est, je crois, le retrait et la politesse exquise des Japonais qui font de ce pays un havre de paix.

Les gens, en tout cas, que nous avons croisés tout au long de notre petite escapade sur cette île du soleil levant y sont pour beaucoup.

Le fait de nous retrouver soudain face à une population « de vieux » a servi de premier électro-choc après 7 mois de voyage dans des pays, « en voie de développement ». Tous ces visages ridés, ces yeux fatigués, cet argent affiché qui va avec l’accomplissement d’une carrière, et qui se décline en habits coûteux et très classiques, ont eu le double effet de me faire réaliser d’un seul coup d’un seul que les pays riches n’en ont plus pour longtemps ( !), et à la fois de me donner un coup de jeune !

Candeur en minijupe

A côté de cette population vieillissante de 40, 50, 60 ans et plus, comme venus d’une autre planète, et presque sans transition, ces milliers de visages juvéniles, comme clonés dans leurs uniformes d’écolier(es), parsèment les rues de figures de manga.
Comme dans les dessins animés qui ont bercé notre enfance (en cachette !) les jeunes-filles d’ici ont la même jupe plissée que mes héroïnes préférées, et des jambes si longues qu’on en oublie presque à quel point elles sont petites !

Mais ici on reste dans l’esprit de Candy, et en bleu marine et chaussettes blanches, nous sommes bien loin de la vulgarité des minijupes chinoises...

L’uniforme des écolières est au fait assez symptomatique de l’univers que les Japonais de tous âges semblent chérir. L’ambiguïté tout en innocence qu’ils déclinent à loisir dans les dessins animés, qu’ils caricaturent avec tant de talent dans leurs mangas, est devenue une sorte de code graphique, de langage « officiel », à tel point d’ailleurs qu’il n’est pas rare de tomber sur des panneaux routiers ou de repérage tout en manga, comme dessinés pour des enfants, mais à l’évidence à l’usage des adultes...

Élégance fifties et kimonos

Au-delà de la candeur en minijupe, un autre trait caractéristique de ces Japonais urbains que nous croisons dès notre arrivée est l’élégance naturelle de tous, hommes et femmes confondus. La comparaison avec la Chine est violente et nous avons pour la première fois vraiment eu honte de nos tenues de bourlingueurs.
Et même s’ils ne sont pas habillés d’un costume 3 pièces impeccables pour aller au bureau, les Japonais font tout de même des efforts de mise incroyable dès qu’ils sont en vacances. Et nous sommes bien placés pour le savoir ; nous avons passé avec eux la seule semaine de vacances qu’ils s’accordent dans l’année : la fameuse « Golden Week » !
Les femmes surtout sont incroyables, ultra féminines ; je n’ai jamais vu une aussi grande concentration de silhouettes graciles et si bien mises en valeur.
Toutes, ou presque en jupes, avec leurs silhouettes d’après-guerre, elles montrent une taille pincée et surmontée d’un buste à dentelles très souples. Seule peut-être depuis les années 50, la coupe de cheveux semble avoir évolué, puisqu’ici, contrairement à la Chine, on a heureusement renoncé à la permanente sur cheveux raides.

En outre, au cœur de cette avalanche de féminité très fifties, une élégance plus traditionnelle arrive encore à se faire une place au quotidien. Alors qu’à Strasbourg, il serait impensable de voir une femme se promener avec sa coiffe d’Alsacienne autrement que dans un contexte touristique précis, dans les rues de Tokyo, le costume traditionnel des femmes est encore très présent. Le dimanche, il n’est pas rare de croiser de nombreuses femmes en kimono, allant chez des amis ou à un mariage, ou simplement au bras de leur mari dans un shopping center...

Avec cette élégance textile, une élégance dans les manières et dans les gestes de tous les jours m’a également frappée dès l’arrivée. On se croirait transporté dans un autre siècle.
Les femmes parlent souvent en mettant la main devant la bouche de peur qu’on ne voie leurs dents ou qu’on ne perçoit un postillon.
Elles marchent aussi souvent avec les pieds légèrement rentrés vers l’intérieur comme un signe de soumission inconscient, tandis que les hommes s’effacent dans des costumes bien coupés, mais très neutres. La politesse est toujours exquise et contagieuse. Au bout de quelques jours ici, on se prend à sourire un peu tout le temps, à s’excuser pour tout, et à adopter une attitude de déférence et de galanterie qui n’a plus court depuis longtemps en occident.
Et pour tout dire, ce n’est pas si désagréable que ça !

...et quelques fous pour la forme

Cela dit, dans ce pays où le contrôle semble si permanent partout, je me dois de mentionner la présence reposante et intrigante à la fois, « de fous ».
Je ne sais pas si c’est nous ou la « chance », mais à deux reprises dans le bus à Kyoto nous sommes tombés sur des phénomènes qui avaient l’air tout droit sortis d’un asile.
Fous, certes, mais pas comme on peut l’être en Inde ou en Chine, avec force cris et bruits. Ici, les gens lorsqu’ils sont fous, le sont de manière un peu plus inquiétante peut-être, avec des regards affolés en tous sens, des mimiques étranges et des tressautements silencieux proches de la démence. Les deux personnages du bus ainsi que ceux que j’ai plus tard aperçus à Tokyo dans la rue, étaient bien habillés et seraient passés complètement inaperçus dans nos sociétés plus extraverties, c’est certain. Mais ici, dans le silence de l’attente de l’arrêt, et face au mutisme et la perfection des autres passagers, le fou ne semble de fait que plus étrange...

Évidemment, ces cas-là ne sont pas si fréquents que ça, mais ce sont les premiers sur lesquels nous sommes tombés. Ensuite, après être passés par des salles de jeu, où, devant chaque machine à sous, des fans de « patchincko » regardent d’un air hébété leur écran à roulettes, tout en s’étouffant de musique hurlante, nous avons compris le besoin que tous semblent avoir, dans ce pays, de se défouler d’une manière ou d’une autre.
Le plus étonnant, au fait, dans ces salles de jeux- exutoires, c’est que la moyenne d’âge ne semble que rarement descendre sous les 40 ans... Il est facile de reconnaître ces silhouettes avachies de joueurs qui semblent comme dans les internet cafés chinois, restés devant leurs écrans pendant plusieurs heures : ce sont celles des gens qu’on croise partout dans la rue, Mr et Mme Tout le Monde Impeccable, leur petit sac à main de marque sur les genoux, les traits tirés, comme s’ils sortaient d’une dure journée de boulot...

On casse le cliché

Heureusement, les Japonais que nous avons rencontrés ne sont pas que mutisme, masque de plomb et folie cachée.
Ils sont, et c’est sûrement ma plus grande surprise, celle qui casse le cliché, d’une gentillesse spontanée étonnante. Partout, dans le métro, dans la rue, dans la montagne, les Japonais que nous avons rencontrés se sont montrés, après les formules de politesse habituelles, pleins de charme et d’humour, et surtout très très ouverts.

Au fait, en y réfléchissant, je me dis que ma surprise vient du fait que cette gentillesse « dans le dialogue » contraste terriblement avec leur curiosité muette et presque agressive qu’ils ont lorsqu’ils ne nous adressent pas la parole...

En effet, tous ne sont pas aussi prolixes que Takayuki (voir article « Takayuki »), et nombre d’entre eux n’osent pas entamer de conversation avec un étranger de peur de ne pas « être à la hauteur ». Pour découvrir cette gentillesse, il faut la provoquer, faire le premier pas...
Leur maîtrise de la langue anglaise étant en effet souvent imparfaite, et leur besoin impérieux de perfection étant trahi par leur incompétence, c’est souvent avec un rire gêné et un air d’effroi qu’ils reculent tout d’abord lorsqu’on leur adresse la parole en anglais, à la recherche d’un renseignement qu’ils pourraient donner..., mais pas parfaitement.

La suite : Japan Perfection 2/2



Réalisé avec SPIP - article.html